3 Cadre constitutionnel et international (incl. Brexit)
27._ Diversité des modèles constitutionnels_ Le cadre constitutionnel applicable dans un système juridique donné a des conséquences sur le régime de protection de la propriété intellectuelle. Il détermine la compétence législative dans ce domaine. Mais il peut également emporter des conséquences sur le fond de la protection, notamment par l’effet de textes fondamentaux intégrés au bloc de constitutionnalité. Ce cadre régit également en grande partie la question de l’intégration du droit international, qui détermine à son tour l’étendue de la protection. Les modèles et situations sont cependant très différents suivant les États, y compris au sein de la famille des droits anglo-américains. Nous aborderons tout d’abord le cadre applicable au Royaume-Uni (1), ce qui nous permettra de traiter du Brexit et de ses conséquences, puis celui des États-Unis (2), et enfin celui applicable d’autres juridictions de common law (3). La question des droits fondamentaux sera abordée dans la section suivante.
1. Au Royaume-Uni
28._ La compétence législative en matière de propriété intellectuelle_ Au Royaume-Uni, la compétence législative en matière de propriété intellectuelle appartient au Parlement, et ce, en dépit du processus dit de « dévolution », qui a transféré de nombreuses compétences aux parlements et aux gouvernements de l’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord. Le Parlement du Royaume-Uni a ainsi conservé, au titre des matières réservées (reserved matters) le pouvoir législatif en matière de propriété intellectuelle. Bien que l’Intellectual Property Office soit compétent pour le dépôt des titres nationaux, les transferts opérés par les différents textes adoptés dans ce cadre[1] ont modifié la compétente administrative dans certaines matières[2]. Egalement, en Écosse, la Court of Session reste compétente pour les litiges liés à la propriété intellectuelle.
29._ L’intégration des textes internationaux_ Le système d’intégration des textes internationaux applicable au Royaume-Uni est strictement dualiste. Le Gouvernement négocie, signe et ratifie seul les traités internationaux. Il ne peut cependant ni modifier la loi, ni les règles constitutionnelles internes, qui relèvent de la compétence exclusive du Parlement[3]. Un traité ne peut donc, en lui-même, changer la loi interne; et seul le Parlement peut adopter les textes nécessaires à la mise en oeuvre des traités (modifications qui interviennent en principe avant ratification).
On notera que, traditionnellement, le Parlement n’a pas de pouvoir d’approuver, de rejeter ou de modifier les traités internationaux (même s’il peut exprimer son avis sur la ratification). Une réforme de 2010[4] lui a cependant conféré un pouvoir limité de bloquer dans certains cas certaines ratifications.
Pendant la période où le Royaume-Uni était membre de l’Union européenne, l’intégration des textes européens était assurée en application d’une loi, le European Communities Act 1972 (abrogé par le European Union (Withdrawal) Act 2018). Les directives communautaires étaient ainsi transposées, en vertu de l’habilitation générale donnée par cette loi, par des décrets du gouvernement (statutory instruments). Ce qui aboutissait à une situation un peu paradoxale, dans laquelle les directives adoptées dans notre domaine, transposées en France par le législateur, étaient transposées par décret au Royaume-Uni.
30._ Les textes internationaux applicables_ Le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne (Brexit) a évidemment eu une incidence sur les relations entretenues avec les États membres de l’Union en matière de propriété intellectuelle. Il en sera question dans les développements qui suivent. Sous cette réserve, le Royaume-Uni est signataire (et souvent de longue date) de la plupart des grandes conventions internationales dans ce domaine, en matière de copyright[5] ou de propriété industrielle. Nous renvoyons pour le détail aux sites des organisations concernées. Un cas particulier sera fait ici de l’Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, issu du Brexit, et étudié plus bas, qui contient quelques dispositions sur la propriété intellectuelle[6]. Le Royaume-Uni a également rejoint en 2023 l’accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP, CPTPP en anglais), qui sera également étudié plus loin[7].
31._ Le brexit et l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne: première vue_ Les suites données au référendum du 24 juin 2016 ayant confirmé le désir d’une majorité de citoyens britanniques de mettre fin à quarante-trois années d’appartenance à l’Union européenne (« brexit ») ont été précisées dans l’Accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne (UE) et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), finalement publié (après quelques péripéties) le 14 novembre 2018[8]. L’accord a été ratifié par le Parlement européen le 29 Décembre 2018, permettant la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne (et de l’Espace économique européen) le 31 janvier 2020. Une période de transition a été mise en place jusqu’au 31 décembre 2020. L’accord a été mis en oeuvre au Royaume-Uni par les European Union (Withdrawal Agreement) Acts de 2018 et 2020 et leurs textes d’application.
L’accord de retrait contient des dispositions sur la propriété intellectuelle dans ses articles 54 à 61 (Titre IV, propriété intellectuelle), reproduits en Annexe au présent ouvrage. Ces dispositions prévoient le maintien de la protection au Royaume-Uni des droits enregistrés ou accordés[9], des facilités relatives aux procédures d’enregistrement[10], le maintien de la protection au Royaume-Uni d’enregistrements internationaux désignant l’Union[11], le maintien de la protection des dessins ou modèles communautaires non enregistrés[12], de la protection des bases de données[13], un droit de priorité en ce qui concerne les demandes en instance de marques de l’Union européenne, de dessins ou modèles communautaires et de protection communautaire des obtentions végétales[14], et des règles concernant les demandes en instance de certificats complémentaires de protection au Royaume-Uni [15]. L’accord prévoit également des règles en matière d’épuisement des droits; il dispose que les droits de propriété intellectuelle qui ont été épuisés tant dans l’Union qu’au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition dans les conditions prévues par le droit de l’Union restent épuisés tant dans l’Union qu’au Royaume-Uni[16].
Précisons qu’en matière de brevets, le cadre juridique établi par la Convention de Munich, qui n’est pas un instrument issus du droit de l’Union européenne, n’a pas été affecté par le retrait du Royaume-Uni. Cependant, après avoir indiqué en novembre 2016 qu’il entendait ratifier l’Accord relatif à une Juridiction Unifiée du Brevet (AJUB) [17], le Royaume-Uni a finalement renoncé à rejoindre le système du brevet unitaire.
Les différents textes réglementaires mettant en œuvre les dispositions de l’accord sur la propriété intellectuelle, pris en application des European Union (Withdrawal Agreement) Acts 2018 et 2020[18], sont entrés en vigueur le 1er janvier 2021.
32._ Les règles générales_ La situation post-brexit est complexe, et peut être résumée comme suit.
De manière générale, l’acquis des directives et règlements de l’Union européenne a été préservé par le European Union (Withdrawal) Act 2018, sous réserve des règles désormais inapplicables, relevant des mécanismes de libre circulation. Cependant, les dispositions initialement adoptées sur ce point ont été modifiées par le Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023[19], qui détermine désormais, à effet au 1er janvier 2024, la portée, au Royaume-Uni, du droit de l’Union européenne antérieur à la fin de la période de transition. A cette occasion, la loi opère un changement de dénomination pour le droit de l’Union applicable, auparavant « droit de l’Union retenu » (retained EU Law), qui devient désormais « droit de l’Union assimilé » (assimilated EU Law). Cette loi n’a pas modifié la section 2 du European Union (Withdrawal) Act 2018, qui dispose que la législation domestique dérivée du droit de l’Union avant la fin de la période de transition (31 décembre 2020, également dénommé IP Completion Day) demeure en vigueur et continue à produire ses effets à l’issue de la période de transition. Elle a cependant abrogé deux références au principe de primauté du droit de l’Union: tout d’abord, le principe de primauté du droit de l’Union pour les lois adoptées avant la période de transition. Ensuite, le principe de primauté « dans la mesure pertinente pour l’interprétation, la non-application ou l’annulation d’un texte législatif ou d’une règle de droit adoptée ou adoptée après la période de transition » de la section 5(2) du European Union (Withdrawal) Act 2018. Par ailleurs, la loi a modifié les règles d’interprétation du « droit de l’Union retenu », devenu « assimilé », posées par la section 6 du European Union (Withdrawal) Act 2018. Ce texte disposait que les tribunaux nationaux n’étaient pas liés par les principes dégagés et les décisions rendues par la CJUE à l’issue de la période de transition[20], mais précisait que toute question relative « au sens, à la validité ou à l’effet » du droit de l’EU retenu devait être résolue conformément à la « jurisprudence retenue de l’UE » et aux « principes généraux du droit de l’UE »[21]. Le Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023 a supprimé ce principe d’interprétation, et impose désormais que le droit de l’UE retenu soit autant que possible interprété et appliqué d’une façon compatible avec la législation interne, cette dernière devant prévaloir en cas d’incompatibilité[22].
Le principe de non-discrimination à raison de la nationalité ne s’applique plus au Royaume-Uni, mais les ressortissants de l’Union bénéficient des principes de traitement national établis par les textes internationaux, et notamment par l’accord de commerce UE/RU[23].
Sur l’épuisement des droits, les droits de propriété intellectuelle qui ont été épuisés tant dans l’Union qu’au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition dans les conditions prévues par le droit de l’Union restent épuisés[24]. En revanche, l’accord de sortie, comme l’accord de commerce UE/RU (dont il sera question ci-dessous) et les textes internes d’application ne prévoient pas de règle pour les droits épuisés après le 1er janvier 2021. Les Exhaustion of Rights) (EU Exit) Regulations 2019[25] ont cependant modifié les textes en matière d’épuisement des droits de copyright, de dessins et modèles et de marques, pour préserver les principes d’épuisement préexistant applicables à l’Espace économique européen, dont le Royaume-Uni ne fait plus partie[26]. Par ailleurs, par exception aux principes posés par le Retained EU Law (Révocation and Reform) Act 2023, les Intellectual Property (Exhaustion of Rights) (Amendment) Regulations 2023 ont modifié les dispositions pertinentes du Registered Designs Act 1949, du Patents Act 1977, du Copyright, Designs and Patents Act 1988, du Trade Marks Act 1994, des Community Design Regulations 2005 et des Property (Exhaustion of Rights) (EU Exit) Regulations 2019, de manière à maintenir, s’agissant de la définition de l’épuisement, le « EU retained right » au-delà du 1er janvier 2024. Ce maintien est sans préjudice de la possibilité laissée au Gouvernement de modifier ce régime à l’avenir.
S’agissant de la jurisprudence de la CJUE antérieure au 1er janvier 2021, le European Union (Withdrawal Agreement) Act 2020 prévoit que le Gouvernement peut, par décret, autoriser les tribunaux inférieurs à s’en écarter dans les conditions qu’il détermine[27]. L’article 6 (7) du European Union (Withdrawal) Act 2018 prévoit quant à lui que les arrêts et ordonnances de la CJUE rendus antérieurement à la sortie de l’Union constituent une « jurisprudence européenne conservée » (retained EU case law), et qu’ils continuent de faire partie du droit interne et de lier les juridictions inférieures[28]. Le Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023 a cependant modifié les règles relatives à l’autorité des arrêts de la CJUE antérieurs à la fin de la période de transition, inscrites à la section s.6 (5) du European Union (Withdrawal) Act 2018, qui autorisaient la Cour d’appel et la Cour suprême à s’écarter des précédents européens dans les mêmes conditions que la Cour suprême au regard de ses propres précédents[29]. Ces arrêt s’imposent toujours aux tribunaux à l’exception de la Cour suprême et de la Cour d’appel, mais la loi prévoit désormais une liste non exhaustive de facteurs que les tribunaux doivent prendre en compte pour décider de diverger de cette jurisprudence retenue, incluant notamment tout changement de circonstances pertinent, et le risque de « restriction au développement adéquat de la loi domestique » (« whether the assimilated EU case law restricts the proper development of domestic law »). Enfin, le Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023 a introduit deux nouvelles sections dans le European Union (Withdrawal) Act 2018, qui mettent en place un mécanisme permettant aux tribunaux de soumettre des questions importantes relatives à la « jurisprudence assimilée de l’EU » à la Cour d’appel[30].
Ces modifications vont évidemment entraîner un ajustement de la jurisprudence des tribunaux sur l’application du droit de l’Union européenne. On notera qu’en application des textes antérieurs au Retained EU Law (Revocation and Reform) Act, la Cour d’appel de Londres (qui n’était déjà plus liée par les précédents européens) avait a clairement indiqués qu’elle n’avait pas l’intention de s’écarter de la jurisprudence de la CJUE, notamment pour des raisons de sécurité juridique [31].
33._ Les règles applicables en matière de copyright et de droits voisins_ En matière de copyright, l’acquis communautaire a été préservé, hors directive 2019/790 du 17 avril 2019 (non transposée au Royaume-Uni)[32]. En revanche, les mécanismes de libre circulation et les principes du pays d’origine prévus par certains textes (notamment la directive et le règlement CabSat) ne s’appliquent plus au Royaume-Uni. Il en est de même des dispositions sur la portabilité issues du règlement 2017/1128 du 14 juin 2017 et des Portablility of Online Content Services Regulations 2018[33]. L’accès à certaines bases de données européennes (dans le cadre du régime de protection des œuvres orphelines) est également suspendu.
Le Royaume-Uni peut donc désormais revenir sur certains aspects de l’acquis communautaire. L’accord de commerce UE/RU, décrit ci-dessous, préserve en effet une marge de manœuvre assez importante sur ce point, notamment en matière de protection des œuvres de l’art appliqué, de mécanismes contractuels et de gestion collective, et de protection des droits voisins.
S’agissant de la protection sui generis des bases de données, les Intellectual Property (Copyright and Related Rights) (Amendment) (EU Exit) Regulations 2019 ont mis en œuvre les dispositions de l’article 58 de l’accord de retrait. Les titulaires d’un droit relatif à une base de données concernant le Royaume-Uni, conformément à l’article 7 de la directive 96/9/CE, qui a pris naissance avant la fin de la période de transition, conservent, en ce qui concerne cette base de données, un droit de propriété intellectuelle exécutoire au Royaume-Uni, en vertu du droit applicable du Royaume-Uni. Ce droit qui offre le même niveau de protection que celui prévu par la directive 96/9/CE, tant que le statut du titulaire demeure conforme aux exigences de l’article 11 de la directive[34]. La durée de protection de ce droit en vertu du droit du Royaume-Uni est au moins égale à la durée restante de protection en vertu de l’article 10 de la directive 96/9/CE.
34._ Les règles applicables en matière de dessins et modèles_ Les règles posées par l’accord de sortie en matière de dessins et modèles enregistrés ont été transposées (et précisées) dans le Registered Design Act 1949, modifié sur ce point par les Designs and International Trade Marks (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019. Elles sont principalement incluses dans la nouvelle annexe 1A du Registered Design Act. Le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré et, le cas échéant, publié à la suite d’un ajournement de publication conformément au règlement 6/2002, avant la fin de la période de transition est devenu gratuitement, sans réexamen et sans formalités, titulaire d’un droit enregistré au Royaume-Uni pour le même dessin ou modèle[35]. Ce droit est dénommé « re-registered design » dans le Registered Designs Act 1949 modifié par les Designs and International Trade Marks (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019. La date de dépôt ou la date de priorité est celle du dessin ou modèle communautaire enregistré correspondant[36].
L’article 57 de l’accord prévoit que le titulaire d’un droit relatif à un dessin ou modèle communautaire non enregistré qui a pris naissance avant la fin de la période de transition devient ipso jure, à l’égard de ce dessin ou modèle communautaire non enregistré, titulaire d’un droit de propriété intellectuelle exécutoire au Royaume-Uni, offrant le même niveau de protection que celui prévu par le règlement (CE) n° 6/2002. La durée de protection de ce droit est au moins égale à la durée restante de protection du dessin ou modèle communautaire non enregistré correspondant en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement. Par ailleurs, le Royaume-Uni met en place une protection équivalente à la protection communautaire pour les dessins ou modèles divulgués pour la première fois au Royaume-Uni. La divulgation dans l’UE pourra donc détruire leur nouveauté. Ces principes ont été transposés par les Designs and International Trade Marks (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019, qui instituent respectivement un UK continuing unregistered design (UCD) et un supplementary unregistered design (SUD). Ces nouveaux droits ne remplacent pas et coexistent avec la protection spécifique des dessins et modèles non enregistrés au Royaume-Uni (le design right[37]). À noter que cette dernière protection sera en principe désormais restreinte aux seuls résidents au Royaume-Uni.
35._ Les règles applicables en matière de brevets et d’obtention végétales_ En matière de brevets, les règles posées par l’accord de retrait ont été transposées par les Patents (Amendment) (EU Exit) Regulations 2019, qui modifient le Patents Act 1977 et d’autres textes pertinents. Rappelons que l’accord de retrait ne vise que les demandes de certificats complémentaires de protection en instance au Royaume-Uni. Son article 60 prévoit que les règlements 1610/96 et 469/2009 s’appliquent respectivement aux demandes de certificats complémentaires de protection pour les produits phytopharmaceutiques et pour les médicaments, ainsi qu’aux demandes de prolongation de la durée de ces certificats, lorsque ces demandes ont été présentées à une autorité du Royaume-Uni avant la fin de la période de transition dans les cas où la procédure administrative relative à l’octroi du certificat concerné ou à la prolongation de sa durée était en cours à la fin de la période de transition. Tout certificat accordé en vertu de ce texte offre le même niveau de protection que celui prévu par les règlements 1610/96 et 469/2009. Pour le reste du droit de l’Union, à savoir les dispositions de la directive 98/44/CE du Parlement relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, et les règles concernant les certificats complémentaires de protection, le EU Withdrawal Act 2018, non modifié sur ce point par le Withdrawal Act 2020, prévoit le maintien par défaut de l’acquis communautaire. Cet acquis pourra cependant être modifié, sous réserve du respect des accords internationaux applicables.
Par ailleurs, comme indiqué, la sortie de l’Union n’affecte pas la participation du Royaume-Uni au système du brevet européen, la convention de Munich étant un traité international en dehors du cadre de l’Union européenne. Enfin, bien qu’ayant ratifié l’accord sur la juridiction unifiée et le protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet, le Royaume-Uni s’est retiré du système du brevet unitaire, pour des raisons principalement politiques tenant à la compétence de la CJUE.
Les règles de l’accord de retrait relatives aux obtentions végétales ont été transposées (et précisées) par les Plant Breeders’ Rights (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019, qui modifient les dispositions du Plant Varieties Act 1997 sur ce point. Le titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales octroyée en vertu du règlement 2100/94 avant la fin de la période de transition est devenu gratuitement, sans réexamen et sans formalités, titulaire d’une protection des obtentions végétales au Royaume-Uni pour la même variété végétale[38]. La durée de protection en vertu du droit du Royaume-Uni est au moins égale à la durée restante de protection de la protection communautaire des obtentions végétales correspondante[39]. L’accord prévoit également que si une protection communautaire des obtentions végétales est déclarée nulle et non avenue ou frappée de déchéance dans l’Union au terme d’une procédure administrative ou judiciaire en cours le dernier jour de la période de transition, le droit correspondant au Royaume-Uni est déclaré nul et non avenu ou frappé de déchéance. La date d’effet de la déclaration ou de la déchéance au Royaume-Uni sera la même que dans l’Union[40].
36._ Les règles applicables en matière de marques et d’indications d’origine_ Au-delà de l’acquis préservé, les règles prévues par l’accord de retrait en matière de marques ont été transposées (et précisées) dans le Trademark Act 1994, modifié sur ce point par les Trade Marks (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019. Elles sont principalement incluses dans la nouvelle annexe 2A du Trademark Act. Pour simplifier nous ne viserons ici que les dispositions de l’accord de retrait. Les titulaires d’une marque de l’Union européenne enregistrée conformément au règlement 2017/1001 avant la fin de la période de transition ne bénéficient plus de la protection pour ces marques au Royaume-Uni. Ils sont par contre, gratuitement, et sans réexamen ni formalité, titulaire d’une marque au Royaume-Uni, constituée du même signe, pour les mêmes produits ou services [41]. La date de renouvellement de la marque au Royaume-Uni sera celle de la première date de renouvellement de la marque de l’UE correspondante[42]. Cette marque est dénommée « comparable trade mark (EU) » dans le Trademark Act 1994 modifié par les Trade Marks (Amendment etc.) (EU Exit) Regulations 2019. La marque au Royaume-Uni bénéficie de la date de dépôt ou de la date de priorité de la marque de l’Union européenne et, le cas échéant, de l’ancienneté d’une marque du Royaume-Uni revendiquée en vertu de l’article 39 ou 40 du règlement (UE) 2017/1001[43].
L’accord prévoit également le maintien de la protection au Royaume-Uni des enregistrements internationaux désignant l’Union[44]. Un droit de priorité de neuf mois a été institué pour les demandes en instance[45]. L’accord prévoir que si une marque communautaire est déclarée nulle ou frappée de déchéance, le droit correspondant au Royaume-Uni est également déclaré nul ou frappé de déchéance.[46]. Enfin, le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a acquis une renommée dans l’Union sera habilité à exercer au Royaume-Uni des droits équivalents à ceux prévus à l’article 9, paragraphe 2, point c, du règlement (UE) 2017/1001 et à l’article 5, paragraphe 3, point a, de la directive (UE) 2015/2436 pour la marque correspondante sur la base de la renommée acquise dans l’Union au plus tard à la fin de la période de transition. Par la suite, la renommée continue de cette marque sera fondée sur l’usage de la marque au Royaume-Uni[47].
S’agissant des indications d’origine, l’article 54 (2) de l’accord de sortie prévoit que lorsqu’une indication géographique, une appellation d’origine, une spécialité traditionnelle garantie ou une mention traditionnelle pour le vin, au sens des règlements européens applicables, est protégée dans l’Union en vertu de ces règlements le dernier jour de la période de transition, les personnes habilitées à utiliser ces indications sont habilitées, à partir de la fin de la période de transition, sans aucun réexamen, à les utiliser au Royaume-Uni. Ces personnes se voient accorder au moins le même niveau de protection en vertu du droit du Royaume-Uni qu’en vertu des dispositions visées du droit de l’Union[48]. Enfin, lorsqu’une indication géographique, une appellation d’origine, une spécialité traditionnelle garantie ou une mention traditionnelle pour le vin précitées cessent d’être protégées dans l’Union après la fin de la période de transition, la protection au Royaume-Uni cesse de s’appliquer. Ces règles ne s’appliquent pas lorsque la protection dans l’Union résulte d’accords internationaux auxquels l’Union est partie.
37._ L’accord de commerce et de coopération entre l’UE et le RU_ L’Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord, d’autre part (Accord UE/RU)[49] conclu le 24 décembre 2020, est venu prolonger les dispositions de l’accord de sortie, en sécurisant les relations futures entre l’UE et le RU. Il est entré provisoirement en vigueur le 1er janvier 2021. Son titre V, consacré à la propriété intellectuelle[50], définit un minimum conventionnel qui reprend assez sommairement les grandes lignes de l’acquis communautaire dans ce domaine, sous réserve de quelques absences notables, concernant par exemple le droit sui generis sur les bases de données (non couvert par l’accord), certains aspects de la protection des dessins et modèles, les indications géographiques et l’épuisement des droits. Il contient également des dispositions sur les secrets d’affaires et la défense des droits.
Cet accord n’ajoute rien à la protection déjà en place au Royaume-Uni. En effet, l’acquis des directives et règlements de l’Union européenne a été (sous les réserves décrites) préservé au Royaume-Uni par les European Union (Withdrawal) Act 2018 et 2020 et leurs textes d’application, et n’est pas remis en cause par l’accord.
L’accord contient tout d’abord des dispositions générales. Les parties y affirment leur engagement à respecter les accords internationaux auxquels elles sont parties, et s’engagent à déployer tous les « efforts raisonnables » pour ratifier ou adhérer au traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (ce qui n’est pas encore le cas au Royaume-Uni), et au traité de Singapour sur le droit des marques (déjà ratifié par le Royaume-Uni)[51]. L’accord consacre ensuite un principe de traitement national, qui porte sur toutes les catégories de propriété intellectuelle régies par le titre V[52], donc à l’exclusion, notamment, du droit sui generis sur les bases de données. L’article dispose que, pour toutes ces catégories, « chaque Partie accorde aux ressortissants de l’autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve, le cas échéant, des exceptions déjà prévues dans, respectivement, la convention de Paris, la convention de Berne, la convention de Rome et le traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés, fait à Washington le 26 mai 1989 »[53]. Il ajoute qu’en ce qui concerne les artistes-interprètes ou exécutants, les producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion, cette obligation ne s’applique que pour les droits visés par l’accord[54]. Des mesures de coopérations sont prévues[55], qui portent principalement sur des échanges d’information, la lutte contre la contrefaçon, la coopération institutionnelle et les actions de sensibilisation. Enfin, les Parties conservent la faculté des Parties de déterminer librement si et à quelles conditions l’épuisement des droits de propriété intellectuelle s’applique[56].
L’accord est assez sommaire sur la question des droits d’auteurs et droits voisins. Il établit un minimum qui correspond en gros à l’acquis des directives européennes jusqu’en 2018 en matière de définition des droits exclusifs[57] et de durée de protection [58]. L’accord est, soit silencieux, soit très succinct sur les autres aspects : les œuvres protégées ne sont pas définies (notamment le champ de la protection des œuvres de l’art appliqué, l’accord prévoyant que chacune des parties peut définir les conditions de protection des dessins et modèles par copyright, et notamment le degré d’originalité requis), pas plus que les conditions de protection. L’accord ne prévoit pas de dispositions en matière contractuelle, ni de droit à rémunération autre que la rémunération équitable en matière de phonogrammes. L’article sur les exceptions ne vise que le triple test[59]. Les dispositions sur le droit de suite[60], la gestion collective[61] et les mesures techniques et d’information [62] sont très brèves. Le Royaume-Uni conserve donc une possibilité assez importante de retour sur l’acquis communautaire.
L’accord vise les dessins et modèles enregistrés et non enregistrés. Cependant il ne contient que quelques paragraphes sur les premiers [63]. Il prévoit que chaque Partie prend des dispositions pour protéger les dessins et modèles « créés de manière indépendante qui sont nouveaux et originaux »[64]. Il définit également les droits exclusifs [65], prévoit l’exclusion des pièces non visibles de produits complexes[66] et la durée de protection[67]. Chaque Partie peut prévoir des exceptions limitées à la protection des dessins et modèles, y compris des dessins et modèles non enregistrés, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale de dessins ou modèles ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du dessin ou modèle, compte tenu des intérêts légitimes des tiers[68]. La protection ne couvre pas les dessins et modèles exclusivement dictés par des considérations techniques ou fonctionnelles[69]. Une exception must fit est prévue[70], qui ne s’applique pas aux produits modulaires [71]. L’accord ne définit pas les critères de protection des modèles non enregistrés[72]. Il précise que chaque partie confère aux titulaires d’un dessin ou modèle non enregistré le droit d’interdire l’utilisation du dessin ou modèle non enregistré par un tiers sans le consentement du titulaire uniquement si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle non enregistré sur son territoire respectif. Cette utilisation couvre au moins l’offre à la vente, la mise sur le marché, l’importation ou l’exportation du produit[73]. Les dessins ou modèles non enregistrés sont protégés pendant 3 ans au moins à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois sur le territoire de la partie concernée[74]. Les exceptions visées pour les modèles enregistrés[75] s’appliquent également aux modèles non enregistrés.
L’accord vise enfin les rapports avec le droit d’auteur. Il dispose que chaque partie « veille à ce que les dessins et modèles, y compris les dessins et modèles non enregistrés, bénéficient également de la protection accordée par sa législation sur le droit d’auteur à partir de la date à laquelle ils ont été créés ou fixés sous une forme quelconque » et détermine « la portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis »[76]. Il ne permettra donc pas d’éviter les divergences de protection dans ce domaine.
Sous réserve de renvois à la déclaration de Doha et à l’accord ADPIC, les dispositions de l’accord UE/RU en matière de brevets[77] ne portent que sur les certificats complémentaires en matière de médicaments et de produits phytopharmaceutiques. L’accord prévoit que « les modalités et conditions d’octroi de cette protection supplémentaire, y compris sa durée, sont déterminées conformément à la législation et à la réglementation des Parties ». L’accord contient également des dispositions sur la protection des données d’AMM de médicaments (pendant une période limitée à déterminer en vertu du droit interne)[78] et de produits phytopharmaceutiques ou biocides (d’au moins 10 ans à compter de l’octroi de la première autorisation accordée par une autorité compétente sur le territoire de la partie)[79].
En matière d’obtentions végétales, l’accord procède à un simple renvoi au respect de la convention UPOV (1991)[80].
Les dispositions sur les secrets d’affaires[81] sont un condensé des dispositions de la directive 2016/943 du 8 juin 2016 sur la définition des secrets d’affaires et des actes d’obtention, d’utilisation et de divulgation licites et illicites. Des dispositions sur les procédures judiciaires civiles et les réparations en matière de secrets d’affaires sont introduites en fin d’accord[82].
Les dispositions de l’accord en matière de marques portent sur la classification[83], les signes susceptibles de constituer une marque[84], les droits conférés par la marque[85], les marques notoires[86], les exceptions[87], les causes de déchéance[88] et la possibilité de rejeter les demandes déposées de mauvaise foi[89].
S'agissant ensuite des indications géographiques, l'accord prévoit, sans préjudice des accords bilatéraux UE-RU dans ce domaine (donc de l'accord de retrait), une simple possibilité de négociations sur les indications géographiques[90]. Rappelons que l'accord de retrait prévoit la protection au Royaume-Uni des indications géographiques existantes approuvées par l'UE, protégées jusqu'à nouvel accord sur ce point.
Enfin, l'accord est assez détaillé sur la question du respect des droits de propriété intellectuelle, et reprend sur ce point les principales dispositions de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, concernant : les mesures de conservations des preuves [91], les preuves[92], le droit d'information[93], les mesures provisoires et conservatoires[94], les mesures correctives[95], les injonctions[96] et les dommages-intérêts (compensatoire ou forfaitaires)[97]. Des dispositions assez détaillées sont également consacrées aux mesures aux frontières[98].
2. Aux États-Unis
38._ La propriété intellectuelle et la constitution fédérale_ Aux États-Unis les règles constitutionnelles ont une grande influence sur la propriété intellectuelle, en raison du partage des compétences opéré dans ce domaine entre l’État fédéral et les États fédérés. La Constitution fédérale contient deux clauses qui affectent le régime de protection de la propriété intellectuelle : la clause dite « de copyright » (mieux dénommée « de brevet et de copyright »), d’une part, et la clause dite « de commerce », d’autre part. En outre, les relations entre l’État fédéral et les États fédérés sont régies par un principe constitutionnel dit de « préemption fédérale », qui a des conséquences importantes dans notre domaine.
39._ Les clauses de copyright et de commerce _ La clause de brevet et de copyright est inscrite à l’article I, section 8, clause 8 de la Constitution, et dispose que le Congrès aura le pouvoir « de favoriser le progrès de la science et des arts utiles, en assurant, pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs le droit exclusif sur leurs écrits et sur leurs découvertes respectifs »[99]. Elle confère ainsi au Congrès le pouvoir exclusif d’adopter des lois en matière de brevet et de copyright. La clause détermine non seulement le pouvoir du Congrès dans ce domaine, mais également les objectifs à atteindre (promouvoir le progrès de la science, au sens de « connaissance », pour le copyright, et celui des arts utiles, au sens de « technologies », pour le brevet) et la forme que doit prendre la protection (un droit exclusif conféré aux auteurs sur leurs écrits, et sur les inventeurs sur les découvertes, et ce pour un temps limité).
Cette disposition a fait l’objet d’une exégèse digne de celle qui a porté sur certaines dispositions du Code civil. Chacun de ses termes a fait l’objet d’intenses discussions doctrinales et a donné lieu à interprétation judiciaire, jusque devant la Cour suprême. Ce fut notamment le cas des termes « écrits » et « découvertes »[100], et de l’exigence d’une protection pour un « temps limité »[101]. La Cour suprême a même déduit de la clause une certaine exigence dans les critères d’accès à la protection, en matière de brevet[102] et de copyright[103].
La clause dite de commerce, inscrite à l’article 1, section 8, clause 3 de la Constitution, donne au Congrès le pouvoir « de réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec les tribus indiennes ». Dans The Trade-Mark Cases[104], la Cour suprême a confirmé que le Congrès pouvait, en application de cette clause, instituer une protection fédérale des marques si elle était restreinte au commerce interétatique et avec les pays tiers. En conséquence, aux États-Unis, le système fédéral de protection des marques déposées coexiste avec des lois locales instituant un système parallèle de dépôts, dont la portée est limitée aux États concernés.
40._ Le principe de préemption fédérale_ L’attribution de pouvoirs exclusifs au Congrès s’accompagne d’un principe dit de « préemption fédérale », qui interdit aux États d’adopter des lois dans les domaines réservés à l’État fédéral. Cette doctrine, qui trouve sa source dans la clause dite de supremacy de la Constitution fédérale[105], a donné lieu à une jurisprudence très complexe. Elle est reprise et précisée en matière de copyright dans la section 301(a) du Copyright Act, qui dispose :
« À partir du 1er janvier 1978, toutes les prérogatives résultant de la loi ou de l’équité qui équivalent à un droit exclusif relevant du cadre général du copyright, au sens de l’article 106, sur des œuvres de l’esprit fixées sous une forme tangible d’expression et relevant du copyright, au sens des articles 102 et 103, que lesdites œuvres aient été créées avant ou après la date susmentionnée et qu’elles aient été publiées ou non, sont régies exclusivement par les dispositions du présent titre. Ultérieurement, nul ne pourra revendiquer une telle prérogative ou un droit équivalent sur une œuvre de cette nature en vertu de la common law ou des lois d’un État »[106].
Ce texte a notamment mis fin à la protection du copyright en common law (pour les œuvres non publiées), qui aura survécu aux États-Unis jusqu’en 1978. Si cette règle interdit bien aux États fédérés d’instituer une protection automatique similaire aux protections fédérales, notamment au travers de lois sur la concurrence déloyale ou le parasitisme[107] ou de doctrines de common law similaires[108], elle leur laisse une certaine liberté à condition que les protections instituées n’entrent pas en conflit avec la loi fédérale[109]. Les États de l’Union conservent par exemple la possibilité d’adopter des lois pour protéger les œuvres non couvertes par le Copyright Act 1976, et notamment les œuvres non fixées ou certaines données[110]. En outre, les États retiennent la possibilité de légiférer en matière de responsabilité civile (misappropriation, unfair competition) ou de secret des affaires, sauf à aboutir à une protection automatique qui entrerait en conflit avec la loi fédérale de propriété intellectuelle[111]. Le plus souvent, une loi protégeant contre le détournement de trade secrets ou la misappropriation de créations de forme ne sera pas préemptée si elle exige, outre la copie de l’élément concerné, une condition de « secret » (pour les trade secrets) ou un « risque de confusion » (pour la misappropriation). Les législations étatiques sur le right of publicity échappent également à la préemption fédérale lorsque la protection est par exemple limitée aux exploitations dans un cadre publicitaire[112].
Un autre domaine non affecté par la préemption fédérale concerne la titularité initiale des droits et les contrats de propriété intellectuelle, lorsque ces questions ne sont pas traitées par la loi fédérale[113].
La question de la préemption s’est également posée au regard des lois étatiques instituant un quasi droit moral au profit de certains artistes, notamment dans le cadre de lois de protection du patrimoine[114]. Cependant la section 301(f) du Copyright Act, introduite par le Visual Artists Rights Act (VARA) de 1990, inclut une disposition expresse de préemption qui couvre désormais les législations étatiques qui accorderaient des droits équivalents à ceux conférés par la loi fédérale[115].
41._ L'intégration des textes internationaux_[116] Aux États-Unis, les rapports entre le droit interne et le droit international sont complexes. Un dualisme assez strict est respecté pour la plupart des accords internationaux. Cependant certains accords internationaux peuvent être d'application directe, et relever ainsi qu'une vision moniste. Le système est ainsi quelquefois présenté comme un système mixte. Le dualisme prévaut cependant, s'agissant du moins des textes en matière de propriété intellectuelle.
L'article II, section 2, clause 2 de la Constitution des États-Unis confère au Président le pouvoir constitutionnel de négocier et d’exécuter les traités, qui sont ensuite présentés au Sénat pour avis et approbation [117]. Cependant de nombreux accords internationaux prennent la forme, non pas de traités (ce terme étant réservé aux accords soumis au Sénat), mais d’executive agreements, qui n’ont pas à être soumis au Sénat[118]. Ces derniers accords internationaux n’ont pas en principe de valeur juridique obligatoire (ne sont pas legally binding). Le Bureau du conseiller juridique (Office of the Legal Advisor) du Département d’État des États-Unis décide si un accord international doit être classé comme un traité, en application de critères énoncé dans une circulaire[119]. La procédure de la circulaire 175 établit également des lignes directrices uniformes pour la négociation, la conclusion, la communication et la publication des traités américains et d’autres accords internationaux. Une loi de 1972, le Case-Zablocki Act[120], prévoit que le Congrès doit être informé des engagements internationaux, autres que des traités, pris par l’exécutif.
En matière de propriété intellectuelle, les accords multilatéraux auxquels les États-Unis sont partie sont des traités. Leur approbation par le Sénat est donc nécessaire. Les grands traités ont tous été approuvés, à l'exception notable du traité de Beijing, signé le 26 juin 2012, soumis au Sénat en février 2016 (Beijing Treaty Implementation Act), mais toujours pas approuvé à cette date. On notera que le Sénat joue souvent un rôle consultatif au stade des négociations de ces traités. Les négociations sont également assez strictement encadrée pour les accords relevant du commerce international, en vertu du Trade Act de 1974[121].
Certains traités et executive agreements sont d’application directe (sont self-executing). D’autres nécessitent une législation de transposition (sont simplement executory)[122]. Les grands traités multilatéraux de propriété intellectuelle ne sont pas self-executing, et ont nécessité des textes de tranposition. Par exemple, l'adhésion à la Convention de Berne a nécessité un transposition au travers du Berne Convention Implementation Act de 1988[123]. L'Uruguay Round Agreements Act (“URAA”) de 1994[124] a notamment transposé les obligations issues de l'accord ADPIC. Les modifications du copyright Act rendues nécessaires en vertu des dispositions des Traités OMPI de 1996 ont été mises en oeuvre par le Digital Millenium Copyright Act de 1998[125]. Et plus récemment, en matière de brevets, les dispositions pertinentes du Traité sur le droit des brevets (PLT) de 2000 ont été transposées par le Patent Law Treaties Implementation Act de 2012[126].
42._ Les textes internationaux applicables_ Il ne sera pas possible de donner ici une liste de l'ensemble des accords de propriété intellectuelle, multilatéraux, et bilatéraux, auxquels les États-Unis d'Amérique sont partie. Nous renvoyons, pour les traités multilatéraux, aux sites des organisations internationales concernées. Nous reproduisons cependant en Annexe 1 au présent ouvrage la circulaire 38A du Copyright Office, qui résume l'état d'adhésion des États-Unis aux traités multilatéraux, ainsi que les accords bilatéraux applicables, en matière de copyright. Les dispositions de propriété intellectuelle de l'accord Canada - États-Unis - Mexique sont également étudiées ci-dessous.
3. Autres juridictions
43._ L’exemple de l’Australie et du Canada_ L’Australie et le Canada fournissent deux exemples d’organisation constitutionnelle différente, qui les distinguent à la fois du Royaume-Uni et des États-Unis.
Le Commonwealth d’Australie, qui prend la forme d’une fédération, détient le pouvoir législatif en matière de propriété intellectuelle. La section 51 de la Constitution confère au Parlement fédéral le pouvoir exclusif d’adopter des lois en matière de copyrights, de brevets d’inventions et de modèles, et de marques[127]. Ce pouvoir s’étend à tous les droits qui font l’objet d’un accord international auquel l’Australie est partie, même non visés par ce texte[128]. La section 109 de la Constitution consacre également, en cas de conflit avec la loi locale, un principe de préemption fédérale.
En Australie, et contrairement aux États-Unis, la common law est uniforme. La Cour suprême, la High Court of Australia, est en effet la juridiction d’appel de toutes les cours des Etats fédérés. Pendant longtemps cette common law était très proche de la common law anglaise, la High Court of Australia s’estimant liée par les décisions de la Chambre des Lords anglaise. Cette situation cessa en 1963[129], et depuis 1978 la High Court of Australia ne s’estime plus liée par les décisions du Judicial Committee of the Privy Council. Les décisions anglaises ont cependant valeur d’autorité et de raison (sont persuasifs/persuasive).
La common law régit la protection des marques non déposées et, dans une mesure subsidiaire à la loi écrite, le régime des contrats de propriété intellectuelle.
Au Canada, l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au parlement fédéral le pouvoir exclusif d’adopter des lois en matière de « brevets d’invention et de découverte » et de « droits d’auteur »[130]. Le même article lui donne le pouvoir exclusif d’adopter des lois pour « la réglementation du trafic et du commerce »[131], ce qui permet à l’État fédéral d’adopter des lois en matière de marques, dans la mesure notamment où elle sont nécessaires pour réglementer le commerce interprovincial et international[132]. L’État fédéral a également légiféré dans le domaine des dessins ou modèles industriels[133].
Chacune des dix Provinces retient un pouvoir législatif résiduel dans notre domaine aux termes de l’article 92(13) de la loi constitutionnelle, qui vise le pouvoir d’adopter des lois portant sur « la propriété et les droits civils dans la province ». Ainsi, s’il n’existe pas de lois provinciales écrites en matière de propriété intellectuelle, ni de système étatique de marques déposées, les provinces légifèrent dans le domaine de la concurrence déloyale, de la protection des secrets des affaires, et des droits de la personnalité (droit à la vie privée et droit à l’image). En outre, la common law et le droit civil applicable dans la province de Québec permettent également, dans une mesure variable, la protection des marques non déposées et gouvernent, dans une mesure subsidiaire à la loi écrite, le régime des contrats de propriété intellectuelle.
A noter qu’en vertu de la doctrine dite de prépondérance (doctrine of paramountcy), les conflits éventuels entre une législation provinciale et le droit fédéral doivent être résolus en faveur du droit fédéral.
Les arrêts de la Chambre des Lords antérieurs à 1867 et les décisions du Privy Council du Royaume-Uni antérieures à 1949 sont applicables au Canada, sauf décisions contraires de la Cour suprême du Canada. Les décisions anglaises font également souvent autorité (autorité persuasive / persuasive authority).
44._ Aspects internationaux_ Nous renvoyons aux sites des organisations internationales compétentes pour un état des adhésions des pays précités aux principaux traités de propriété intellectuelle. Nous consacrerons cependant quelques développements à l'examen de deux traités de libre échange importants extérieurs à l'espace européen, qui contiennent tous les deux de nombreuses dispositions sur la propriété intellectuelle: l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), d'une part, et l'accord Canada - États-Unis - Mexique, d'autre part.
45._ L'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP)_ L'accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP, CPTPP en anglais) a été signé le 8 mars 2018 par l'Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam[134]. Il est entré en vigueur en décembre 2018. Cet accord est issu du projet d'accord de partenariat transatlantique (PTP), qui devait à l'origine réunir douze pays de la zone Pacifique (les États-Unis, l'Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam), et lui succède en raison du retrait des États-Unis du PTP en février 2017. Le Royaume-Uni y a adhéré en 2023, transformant par la même le PTPGP, d'un accord régional, à un accord global.
Ses dispositions incorporent celles du PTP[135], tout en suspendant l'application de certaines clauses du PTP, jusqu'à ce que les parties conviennent de mettre fin à cette supension[136]. Le texte du PTPGP s'étend ainsi (par incorporation), sur trente chapitres, qui vont bien au-delà de la propriété intellectuelle, et tendent notamment à éliminer les taxes et les barrières non tarifaires entre les États signataires et à établir des principes minima en matière de droits des travailleurs, de normes environnementales, de services financiers et de commerce électronique. Le traité contient cependant de nombreuses dispositions sur la propriété intellectuelle, inscrites dans son chapitre 18 (c'est-à-dire au chapitre 18 du PTP, moins les textes suspendus), et des avancées importantes dans ce domaine.
Le PTPGP contient tout d'abord plusieurs déclarations ou dispositions générales sur la propriété intellectuelle et son articulation avec d'autres principes ou intérêts fondamentaux (santé publique, développement économique, concurrence)[137]. Les parties qui ne l'ont pas encore fait s'engagent à ratifier le protocole de Madrid, le traité de Budapest, de Singapour, la convention UPOV (sous réserve d'un délai de 3 ans pour la Nouvelle-Zélande) ainsi que le WCT et le WPPT[138]. Elles s'engagent également à notifier à l'OMC leur acceptation du protocole modifiant l'accord sur les ADPIC du 6 décembre 2005[139]. Un principe général de traitement national, applicable à tous les secteurs de la propriété intellectuelle couverts par l'accord, est inscrit à l'article 18.8. Des exceptions peuvent lui être apportées « en ce qui concerne les utilisations secondaires de phonogrammes au moyen de communications analogiques et de radiodiffusion gratuite par ondes hertziennes »[140], et (sous conditions) pour les procédures judiciaires et administratives[141]. L'accord contient également des dispositions sur la transparence, qui prévoient pour les signataires une obligation (best efforts) de mise à disposition sur Internet de leur réglementation de propriété intellectuelle et de l'information publique concernant des demandes de marques de commerce, d'indications géographiques, de dessins, de brevets et d'obtention végétale[142]. A noter que la question sensible de l'épuisement des droits est exclue de l'accord[143]. Enfin, l'accord prévoit une coopération des parties dans plusieurs domaines, et notamment en matière de préservation ou de prise en compte des savoirs traditionnels[144]. L'article est cependant rédigé dans des termes très larges, qui n'imposent pas la prévalence de l'objectif de protection des savoirs traditionnels sur la propriété intellectuelle.
Le PTP était riche en dispositions sur le droit d'auteur et les droits connexes (copyright and related rights dans le texte en anglais). Le PTPGP a cependant suspendu plusieurs dispositions importantes dans ce domaine, relatives : à l'extension de la durée de protection (70 ans p.m.a en principe pour le copyright)[145], ce qui a laissé subsister la durée de principe de 50 ans p.m.a retenue à l'époque au Canada et en Nouvelle-Zélande (le standard est cependant passé à 70 ans au Canada il faut cependant tenir compte de l'extension actée dans l'accord Canada – États-Unis – Mexique) ; aux mesures techniques de protection et à l'information sur le régime des droits[146] ; et à la protection pénale et civile des signaux par satellite et par câble[147]. Les dispositions maintenues du PTP établissent des standards minimums concernant : le droit de reproduction[148], le droit de communication au public[149] et le droit de distribution[150]. L'article 18.62 consacre un principe de traitement national en matière de protection des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, et précise leurs droits minimums [151]. Chacune des parties s'engage également à appliquer l'article 18 de la convention de Berne et l'article 14.6 de l'accord sur les ADPIC, mutatis mutandis, aux œuvres, aux interprétations et aux phonogrammes (art. 18.64). L'article 18.65 sur les limites et exceptions pose un principe de triple test conforme aux accords ADPIC, à la convention de Berne et aux traités WCT et WPPT.
L'article 18.66 est consacré à l'équilibre des régimes de droit d'auteur/copyright et de droits connexes. Il dispose : « Chacune des Parties s'efforce d'établir un juste équilibre dans son régime de droit d'auteur et de droits connexes, entre autres au moyen de limitations ou exceptions qui sont compatibles avec l'article 18.65 (limites et exceptions), y compris dans l'environnement numérique, tout en tenant compte des utilisations à fins légitimes, y compris, sans toutefois s'y limiter, la critique, le commentaire, la communication de nouvelles, l'enseignement, l'étude, la recherche, et autres fins semblables ; et en facilitant l'accès aux œuvres publiées aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture de textes imprimés ».
L'article 18.70 contient également une déclaration générale sur la gestion collective, par laquelle les parties reconnaissent le rôle important des sociétés de gestion collective des droits d'auteur et de droits connexes pour la collecte et la distribution des redevances « en fonction de pratiques justes, efficaces, transparentes et responsables, et qui peuvent comprendre la tenue de dossiers et des mécanismes de reddition de compte appropriés ». Enfin, on relèvera également la déclaration générale sur le domaine public inscrite à l'article 18.15, qui dispose : « 1. Les Parties reconnaissent l'importance d'un domaine public riche et accessible. 2. Les Parties reconnaissent également l'importance des supports d'information, tels que les bases de données publiques relatives aux droits de propriété intellectuelle enregistrés qui facilitent l'identification des objets tombés dans le domaine public ».
Le PTPGP contient de nombreuses dispositions en matière de propriété industrielle et de protection des secrets, dont il n'est pas possible ici de rendre compte en détail. Précisons cependant qu'en matière de brevets, le PTPGP a suspendu certaines dispositions du PTP sur la définition de l'invention brevetable[152], l'ensemble des dispositions que l'ajustement de la durée des brevets en raison de retards déraisonnables attribuables aux autorités de délivrance[153], les dispositions générales sur la protection des données d'essai ou d'autres données non divulguées[154], ainsi que les dispositions sur la protection des données d'AMM[155]. On notera que les dispositions sur la protection des données confidentielles et d'autres données pour les produits chimiques agricoles [156] et sur les mesures ont été maintenues.
Les autres textes maintenus du PTP, notamment en matière de marques et de signes distinctifs (y compris indications géographiques)[157], de dessins et modèles industriels[158], établissent notamment des standards minimum et, pour les marques et les brevets, des règles sur la transparence et l’efficacité des systèmes d’enregistrement et d'administration des droits de propriété industrielle. Des dispositions en matière de respect des droits de propriété intellectuelle sont également prévues [159]. Ces textes ne semblent pas induire de modifications des droits Canadien et Australien dans ce domaine.
46._ L'Accord Canada - États-Unis - Mexique (ACUEM)_ L'Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM, USMCA en anglais), qui remplacera l'ALENA (NAFTA en anglais), a été signé à Buenos Aires le 30 novembre 2018[160]. Comme le PTPGP, il contient de nombreuses dispositions en matière de propriété intellectuelle, mais également quelques dispositions intéressantes en matière de commerce numérique. Mais il va évidemment plus loin que le PTPGP. Plusieurs de ces dispositions correspondent à des dispositions suspendues par le PTPGP. S'y ajoutent des dispositions que les États-Unis n'avaient pas pu imposer lors des négociations du PTP. L'accord entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la dernière notification de ratification par l'une des parties.
Les dispositions en matière de propriété intellectuelle sont incluses dans le chapitre 20 de l'accord, qui contient des dispositions générales, et des dispositions consacrées aux marques, aux noms de pays, aux indications géographiques, aux brevets, aux données d'essai, aux dessins et modèles, au droit d'auteur et aux droits connexes (copyright), aux secrets commerciaux, à la défense des droits,
L'accord contient tout d'abord plusieurs déclarations générales sur la propriété intellectuelle, son importance et son articulation avec d'autres principes ou intérêts fondamentaux (santé publique, développement socio-économique, commerce et transfert international de technologie)[161]. Chaque partie s'engage également à ratifier, le cas échéant, le protocole de Madrid, le traité de Budapest, le traité de Singapour, la convention UPOV de 1991, l'arrangement de La Haye et la convention de Bruxelles sur la distribution de signaux porteurs ; en outre, les parties déclarent également « dûment envisager » de ratifier le traité OMPI sur le droit des brevets de 2000, ou d'y adhérer, ou, à titre d'alternative, s'engagent à adopter ou à maintenir des normes procédurales conformes à ses objectifs [162]. Un droit au traitement national est accordé aux ressortissants des parties à l'égard de tous les secteurs de la propriété intellectuelle visés par le chapitre[163]. Comme le PTPGP, l'accord contient des dispositions sur la transparence, qui prévoit pour les signataires une obligation (best efforts) de mise à disposition sur Internet de leur réglementation de propriété intellectuelle et de l'information publique concernant des demandes de marques de commerce, d'indications géographiques, de dessins, de brevets et d'obtention végétale [164]. La question de l'épuisement des droits est également exclue de l'accord[165]. Enfin, les parties s'engagent à mettre en place des mécanismes de coopération et d'échange d'informations, et instituent notamment à cet effet un comité sur les droits de propriété intellectuelle composé de représentants gouvernementaux de chacune des parties[166].
L'effet majeur de l'accord en matière de copyright a été de forcer l'allongement de la durée de protection au Canada, à 70 ans p.m.a., alors même que le PTPGP avait préservé sur ce point le standard de 50 ans[167]. L'accord contient également des standards minimums similaires à ceux du PTP concernant : le droit de reproduction[168], le droit de communication au public[169] et le droit de distribution [170].
Les dispositions et déclarations sur les droits connexes (artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes : étendue des droits), les exceptions (reprise du triple test) et la gestion collective sont également identiques ou proches de celles adoptées dans le PTPGP. On ne retrouve cependant pas dans l'accord l'équivalent de l'article 18.66 du PTPGP précité consacré à l'équilibre des régimes de droit d'auteur/copyright et de droits connexes.
En revanche, l'accord a réintroduit les dispositions sur les mesures techniques de protection et d'information sur le régime des droits suspendues par le PTPGP[171]. Il contient également des dispositions sur la protection (pénale et civile) des signaux par satellite et par câble encodés porteurs de programmes[172], également suspendues par le PTPGP. Le Canada aura un délai de quatre ans à compter de l'entrée en vigueur de l'ACEUM pour ratifier la Convention de Bruxelles sur la distribution de signaux porteurs de programmes transmis par satellite. Enfin, à la différence du PTPGP, l'article 20.89 de l'accord contient des dispositions sur la responsabilité des intermédiaires en cas de contrefaçon de copyright comparables aux régimes mis en place en Europe et aux États-Unis. Cependant l'accord valide par exception le mécanisme d'envoi de notification de contrefaçon mis en place au Canada (système de transfert de notification par l'intermédiaire, par opposition au système de notification et retrait)[173].
En matière de brevets, l'accord contient notamment les mesures suspendues du PTPGP. Il garantit notamment la disponibilité de la protection pour des inventions dans tous les secteurs technologiques, et prévoit une obligation d'ajustement de la durée des brevets en raison de retards déraisonnables attribuables aux autorités de délivrance (incluant une période de transition). Les dispositions sur les marques et les signes distinctifs (y compris indications géographiques), les dessins et modèles industriels et le respect des droits de propriété intellectuelle correspondent aux standards du PTPGP. On notera enfin, dans un domaine voisin, que l'ACUEM consacre un principe de responsabilité limitée des intermédiaires de l'Internet, absent du PTP[174].
- Scotland Act 1998, Northern Ireland Act 1998, Government of Wales Act 1998 et leurs textes d’application. ↵
- Notamment concernant les obtentions végétales. ↵
- Ce point a été rappelé par Cour suprême dans un arrêt Miller de 2017 (R (Miller) v Secretary of State for Exiting the European Union [2017] UKSC 5, 24 janvier 2017): "(...) ministers generally enjoy a power freely to enter into and to terminate treaties without recourse to Parliament (...) ministers are not normally entitled to exercise any power they might otherwise have if it results in a change in UK domestic law unless statute, ie an Act of Parliament, so provides. (...) We cannot accept that a major change to UK constitutional arrangements can be achieved by ministers alone; it must be effected in the only way that the UK constitution recognises, namely by Parliamentary legislation" (para 5 et 82). ↵
- Le Constitutional Reform and Governance Act de 2010. ↵
- Voir le guide UK copyright protection for foreign works and nationals, publié par l'Intellectual Property Office. On relèvera cependant qu'en matière de protection des artistes-interprètes il n'a pas encore ratifié le Traité de Beijing, pourtant signé en 2013. V. infra, n° 175. Le Royaume-Uni n'est pas non plus partie à la Convention de Bruxelles concernant la distribution de signaux porteurs de programmes transmis par satellite (1974). ↵
- V. infra, n°37. ↵
- V. infra, n°45. ↵
- 2019/C 384 I/01, JO UE 12 nov. 2019. ↵
- Accord, art. 54. ↵
- Accord, art. 55. ↵
- Accord, art. 56. ↵
- Accord, art. 57. ↵
- Accord, art. 58. ↵
- Accord, art. 59. ↵
- Accord, art. 60. ↵
- Accord, art. 61. ↵
- Communiqué de presse du 28 novembre 2016 « UK signals green light to Unified Patent Court Agreement », www.gov.uk. ↵
- European Union (Withdrawal Act) 2018 (c. 16); European Union (Withdrawal Act) 2020 (c. 1). ↵
- Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023 (c. 28). ↵
- European Union (Withdrawal Act) 2018, s.6 (1) (a). ↵
- European Union (Withdrawal Act) 2018, s.6 (3); ces deux derniers concepts correspondant à la jurisprudence et aux principes en vigueur avant la fin de la période de transition (s.6 (7) (b)) ↵
- European Union (Withdrawal Act) 2018, s.5 (A2). ↵
- V. infra, n° 37, art. IP.6. ↵
- Intellectual Property (Exhaustion of Rights) (EU Exit) Regulations 2019, SI 2019 No. 265. ↵
- SI 2019 No. 265. ↵
- La section 12(1) du Trade Marks Act 1994 dispose désormais "A registered trade mark is not infringed by the use of the trade mark in relation to goods which have been put on the market in the United Kingdom or the European Economic Area under that trade mark by the proprietor or with his consent" (la référence "in the United Kingdom" a été ici ajoutée. V. également Registered Design Act 1949, s. 7A et 24G, CDPA 1988, s. 18, 27, 182B, 228 ↵
- Section 26. ↵
- European Union [Withdrawal] Act 2018, art. 6 (3) ↵
- s. 6 (5A) du European Union [Withdrawal] Act 2018 et du European Union [Withdrawal] Act 2018 [Relevant Court] [Retained EU Case Law] Regulations 2020 [SI 2020 No. 1525] ↵
- s. 6A à 6D. ↵
- V. en particulier Warner Music UK Ltd & Sony Music UK Ltd v. TuneIn Inc. [2021] EWCA Civ 441. L'affaire concernait une plateforme permettant d'accéder à des webradios au travers de liens fournis vers les flux (streams) de ces radios. La Cour d'appel confirme que ces agissements constituent une communication au public non autorisée au sens de la section 20 du CDPA 1988. Elle précise qu'en l'absence de réforme au plan national elle n'entend pas s'écarter de l'interprétation du droit de communication au public faite par la CJUE dans ses décisions antérieures au Brexit, et applique en l'espèce les solutions de l'arrêt VG Bild. V. également Lipton v. BA City Flyer Ltd. Lipton v BA City Flyer Ltd [2021] EWCA Civ 454; [2021] 1 W.L.R. 2545; THJ v. Sheridan [2023] EWCA Civ 1354. ↵
- A noter, cependant, les dispositions des Design Right, Artist's Resale Right and Copyright (Amendment) Regulations 2023, qui modifient plusieurs textes an application des pouvoirs conférés par le Retained EU Law (Revocation and Reform) Act 2023. Ces modifications sont mineures. Elles concernent notamment les Collective Management of Copyright (EU Directive) Regulations 2016 (S.I. 2016/221), qui ont transposé la directive 2014/26/UE sur la gestion collective (exonération de petits organismes de gestion collective de certaines obligations de transparence prévues par la directive et autres allègements pour les micros-entreprises). ↵
- SI 2018 No. 249 ↵
- Les personnes et entreprises suivantes sont réputées satisfaire aux exigences de l'article 11 de la directive 96/9/CE : a) les ressortissants du Royaume-Uni ; b) les personnes physiques ayant leur résidence habituelle au Royaume-Uni ; et c) les entreprises établies au Royaume-Uni, à condition que, lorsqu'une telle entreprise n'a que son siège statutaire au Royaume-Uni, ses activités soient véritablement liées de façon continue à l'économie du Royaume-Uni ou d'un État membre. ↵
- Accord de retrait, art. 54 (1) et 55 ; la date de renouvellement du D & M au Royaume-Uni sera celle de première date de renouvellement du D & M communautaire correspondant (art. 54 (4). ↵
- Accord de retrait, art. 54 (5) (b). L'accord prévoit également le maintien de la protection au Royaume-Uni des enregistrements internationaux désignant l'Union (art. 56). Un droit de priorité de neuf mois est institué pour les demandes en instance (art. 59 (1)). Lorsqu'une personne a déposé une demande de dessin ou modèle communautaire conformément au droit de l'Union avant la fin de la période de transition et qu'une date de dépôt a été accordée, cette personne a le droit de déposer une demande au Royaume-Uni dans les 9 mois à compter de la fin de la période de transition pour le même dessin ou modèle. La demande sera réputée bénéficier de la même date de dépôt et de la même date de priorité que la demande correspondante déposée dans l'Union. La durée de protection en vertu du droit du Royaume-Uni sera au moins égale à la durée restante de protection du dessin ou modèle communautaire correspondant (art. 54 (5) (a)). Si un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul, le droit correspondant au Royaume-Uni est également déclaré nul. La date d'effet de la déclaration ou de la déchéance au Royaume-Uni est la même que dans l'Union (art. 54 (3), § 1). Cependant le Royaume-Uni n'est pas tenu de déclarer nul le droit correspondant au Royaume-Uni lorsque les motifs de nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré ne s'appliquent pas au Royaume-Uni (art. 54 (3), § 2) ↵
- V. infra n° 288. ↵
- Accord de retrait, art. 54 (1) et 55. La date de dépôt ou la date de priorité sera celle de la protection communautaire des obtentions végétales correspondante (Ibid., art. 54 (5) (b)). Un droit de priorité de six mois a été institué pour les demandes en instance (Ibid., art. 59 (2). ↵
- Accord de retrait, art. 54 (5) (a). ↵
- Accord de retrait, art. 54 (3) § 1). Cependant le Royaume-Uni n'est pas tenu de déclarer nul ou de frapper de déchéance le droit correspondant au Royaume-Uni lorsque les motifs de nullité ou de déchéance de la marque de l'Union européenne ou du dessin ou modèle communautaire enregistré ne s'appliquent pas au Royaume-Uni (art. 54 (3), § 2). ↵
- Accord de retrait, art. 54 (1) et 55. ↵
- Accord de retrait, art. 54 (4). ↵
- Accord de retrait, art. 54 (5) (a). ↵
- Accord de retrait, art. 56. ↵
- Accord de retrait, art. 59 (1). Lorsqu'une personne a déposé une demande de marque de l'Union européenne ou de dessin ou modèle communautaire conformément au droit de l'Union avant la fin de la période de transition et qu'une date de dépôt a été accordée, cette personne a le droit de déposer une demande au Royaume-Uni dans les 9 mois à compter de la fin de la période de transition pour la même marque concernant des produits ou services identiques ou contenus dans ceux pour lesquels la demande a été déposée dans l'Union, ou pour le même dessin ou modèle. Cette demande sera réputée bénéficier de la même date de dépôt et de la même date de priorité que la demande correspondante déposée dans l'Union et, le cas échéant, de l'ancienneté d'une marque du Royaume-Uni revendiquée en vertu de l'article 39 ou 40 du règlement (UE) 2017/1001. ↵
- La date d'effet de la déclaration ou de la déchéance au Royaume-Uni est la même que dans l'Union (art. 54 (3), § 1). Cependant le Royaume-Uni n'est pas tenu de déclarer nul ou de frapper de déchéance le droit correspondant au Royaume-Uni lorsque les motifs de nullité ou de déchéance de la marque de l'Union européenne ne s'appliquent pas au Royaume-Uni (art. 54 (3), § 2). Egalement, la marque au Royaume-Uni ne sera pas susceptible de déchéance au motif que la marque correspondante de l'Union européenne n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux sur le territoire du Royaume-Uni avant la fin de la période de transition (art. 54 (5) (b)) ↵
- Accord de retrait, art. 54 (5) (c). ↵
- A savoir, l'article 4 (1), points i, j et k, de la directive 2015/2436 ; et pour l'indication géographique, l'appellation d'origine, la spécialité traditionnelle garantie ou la mention traditionnelle pour le vin concernée, les articles 13, 14 (1), 24, 36 (3), 38, 44 et 45 (1), point b), du règlement 1151/2012 ; l'article 90 (1) du règlement 1306/2013 ; les articles 100 (3), 102 (1), 103, 113 et 157 (1), point c, x, du règlement 1308/2013 ; l'article 62 (3) et (4) du règlement 607/2009 ; les articles 15 (3), premier alinéa, 16 et 23 (1) du règlement 110/2008 et, dans la mesure nécessaire au respect desdites dispositions dudit règlement, l'article 24 (1) dudit règlement ; ou les articles 19 (1) et 20 du règlement 251/2014. ↵
- Cons. UE, déc. 2020/2252, 29 déc. 2020 : JOUE n° L 149/10, 30 avr. 2021. ↵
- Accord UE/RU, art. IP.1 à IP. 57. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 4. ↵
- Accord UE/RU, art. IP. 6. ↵
- Accord UE/RU, art. IP. 6 (1). ↵
- Ibid. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 55. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 5. ↵
- Accord UE/RU, art. IP7 pour le droit d'auteur, art. IP 8 pour les artistes-interprètes, art. IP 9 pour les producteurs de phonogrammes, art. IP 10 pour les radiodiffuseurs et art. IP 11 pour la rémunération équitable en matière de phonogrammes. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 12. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 15. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 13. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 14. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 16 et IP 17. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 27, 28 et 30. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 27 (1). Notez l'abandon du caractère individuel. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 27 (2). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 27 (3). ↵
- 25 ans, art. IP 28. ↵
- AAccord UE/RU, at. IP 30 (1). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 30 (2). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 30 (2). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 30 (3). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 29. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 29 (1). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 29 (2). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 30. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 31. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 32. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 35. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 36). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 37. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 34. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 52. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 18 : renvoi à l'arrangement de Nice. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 19 : reprise de la définition de l'article 3 de la directive 2015/2436. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 20 : version plus sommaire de l'article 10 de la directive), la procédure d'enregistrement[footnote]Accord UE/RU, art. IP 21, très sommaire. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 22 : renvoi à la recommandation commune de l'Assemblée de l'Union de Paris de 1999. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 23 et art. IP 25, reprises respectivement des articles 14 et 11 de la directive. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 24, reprise des articles 19 et 20 de la directive. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 26). ↵
- Accord UE/RU, art. IP 57 : « les Parties peuvent s'efforcer conjointement, dans la mesure du raisonnable, de convenir de règles pour la protection et l'application efficace de leurs indications géographiques au niveau national ». ↵
- Accord UE/RU, art. IP 40. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 41. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 42. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 43. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 44. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 45. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 47. ↵
- Accord UE/RU, art. IP 53. ↵
- « To promote the Progress of Science and useful Arts, by securing for limited Times to Authors and Inventors the exclusive Right to their respective Writings and Discoveries. » Voir I. Donner, "The Copyright Clause of the U.S. Constitution: Why Did the Framers Include it With Unanimous Approval?" (1992) 36 Am J Legal Hist 361; K. Fenning, "The Origins of the Patent and Copyright Clause of the Constitution" (1929) 17 Geo LJ 109; T.T. Ochoa TT, M. Rose, "The Anti-Monopoly Origins of the Patent and Copyright Clause" (2002) 49 J Copyright Society USA 675; S.M. O’Connor, "The Overlooked French Influence on the Intellectual Property Clause" 82 U. Chi. L. Rev. 733-830 (2015); D. Oliar D, "Making Sense of the Intellectual Property Clause: Promotion of Progress as a Limitation on Congress’s Intellectual Property Power" (2006) 94 Geo LJ 1771. ↵
- Voir par exemple The Trade-Mark Cases 100 U.S. 82, 94 (1880) (excluant la compétence du Congrès en matière de marques au titre de la Clause de copyright au motif que les marques ne sont ni des écrits ni des découvertes) ; ou encore Burrow-Giles Lithographic Co. v. Sarony, 111 U.S. 53, 57-58 (1884) (considérant qu’une photographie constitue bien un « écrit » au sens de cette clause) ; Goldstein v. California 412 U.S. 546, 561 (1973) (les enregistrements sonores - sound recordings - sont des écrits au sens de la clause). ↵
- Notamment dans Eldred v. Ashcroft, 537 U.S. 186, 212-14 (2003) et Dastar Corp. v. Twentieth Century Fox Film Corp., 539 U.S. 23, 37 (2003). V. infra n°232, 234. PSamuelson, « The Constitutional Law of Intellectual Property after Eldred v. Ashcroft », 50 J. Copyright Soc'y U.S.A. 547 (2002-2003). ↵
- Graham v. John Deere Co. 383 U.S. 1 (1966) (critère d’activité inventive). ↵
- Feist Publications, Inc. v. Rural Telephone Service Co., 499 U.S. 340, 346 (1991) (originalité – minimum de créativité). ↵
- 100 U.S. 82, 96-98 (1880). V. Tome 3, et 1ère éd. 2017, n°410. ↵
- US Constitution, Art 6, cl 2: « La présente Constitution, ainsi que les lois des États-Unis qui en découleront, et tous les traités déjà conclus, ou qui le seront, sous l'autorité des États-Unis, seront la loi suprême du pays ; et les juges dans chaque État seront liés par les susdits, nonobstant toute disposition contraire de la Constitution ou des lois de l'un quelconque des États ». ↵
- Traduction OMPI (sauf « copyright », substitué à « droit d’auteur » dans la traduction d’origine) Le paragraphe b) précise: « b) Aucune disposition du présent titre n’annule ni ne limite les droits et sanctions résultant de la common law ou des lois d’un État, en ce qui concerne1) toute matière qui ne fait pas l’objet du copyright au sens des articles 102 et 103, y compris les oeuvres de l’esprit qui ne sont pas fixées sous une forme tangible d’expression;2) tout motif de poursuites résultant d’actes entrepris avant le 1er janvier 1978;3) toutes activités exercées en violation des prérogatives résultant de la loi ou de l’équité qui ne sont pas équivalentes à un droit exclusif relevant du cadre général du copyright, au sens de l’article 106; ou4) les codes de repérage cartographique à l’échelon des États et à l’échelon local, de conservation historique, de répartition en zones ou de construction relatifs aux œuvres d’architecture protégées en vertu de l’article 102.a)8).Le paragraphe c) concerne les phonogrammes fixés avant le 15 février 1972, et précise que « les droits et les sanctions existant en vertu de la common law ou des lois d’un État ne seront ni annulés ni limités par les dispositions du présent titre avant le 15 février 2047 ». Comme indiqué plus loin le paragraphe f) étend la préemption fédérale aux droits moraux équivalents à ceux conférés par le VARA. ↵
- V. Sears, Roebuck & Co. v. Stiffel Co., 376 U.S. 225 (1964) et Compco Corp. v. Day-Brite Lighting, Inc., 376 U.S. 234 (1964) (lois étatiques d’unfair competition interdisant les copies d’objets non protégés par copyright ou design patent); Bonito Boats, Inc. v. Thunder Craft Boats, Inc., 489 U.S. 141 (1989) (loi étatique interdisant la copie de coques de navires jugée préemptée par la loi fédérale. Cette décision sera à l’origine du Vessel Hull Design Protection Act, étudié infra n°297. ↵
- V. Tome 3, et 1ère éd. 2017, n°473 nos développements sur le tort de misappropriation. ↵
- Confirmé par la Cour suprême dans Goldstein v California 412 US 546 (1973). ↵
- V. infra n°208. ↵
- V. par exemple Kewanee Oil Co. v. Bicron Corp., 416 U.S. 470, 474 (1974) (loi étatique sur le secret des affaires non préemptée par la loi sur les brevets) ; V. également Stromback v. New Line Cinema, 384 F.3d 283, 302-04 (6th Cir. 2004); Dun & Bradstreet Software Services, Inc. v. Grace Consulting, Inc., 307 F.3d 197, 218 (3d Cir. 2002); Computer Associates Int’l, Inc. v. Altai, Inc., 982 F.2d 693, 717 (2d Cir. 1992). ↵
- V. par exemple Toney v. L’Oreal USA, Inc., 406 F.3d 905, 910 (7th Cir. 2005); Downing v. Abercrombie & Fitch, 265 F.3d 994, 1003-04 (9th Cir. 2001); Brown v. Ames, 201 F.3d 654, 657-59 (5th Cir. 2000); Waits v. Frito-Lay, Inc., 978 F.2d 1093, 1100 (9th Cir. 1992); Midler v. Ford Motor Co., 849 F.2d 460, 462 (9th Cir. 1988). ↵
- V. par exemple Foad Consulting Group, Inc. v. Musil Govan Azzalino, 270 F.3d 821, 827-28 (9th Cir. 2001); Farmland Irrigation Co. v. Dopplmaier, 48 Cal. 2d 208, 216-20, 308 P.2d 732, 737-39 (1957). Mais là encore, la liberté des États n’est pas totale, une législation locale ne pouvant remettre en cause, par une telle réglementation, les objectifs ou les fondements de la protection fédérale. Sur la loi californienne sur le droit de suite des artistes (Artists Resale Royalties Act), récemment jugée préemptée, V. infra n°213. ↵
- V. infra, n° 237. ↵
- L’étendue de cette préemption est évidemment sujette à discussion. ↵
- Robert E. Dalton, U.S. law and practice, Chapter 20 de National Treaty Law and Practice, Martinus Nijhoff Publishers; Treaties and Other International Agreements: The Role of the U.S. Senate: A study prepared for the Committee on foreign relations, US Senate, 2001. ↵
- Le Président « aura le pouvoir, sur l'avis et avec le consentement du Sénat, de conclure des traités, sous réserve de l'approbation des deux tiers des sénateurs présents » ↵
- Il existe trois types d’executive agreements : ceux conclus sur la base de l’autorité constitutionnelle du président (accords exécutifs) ; ceux conclus en vertu d’une loi promulguée par le Congrès (accords entre le Congrès et l’exécutif) ; et ceux conclus en vertu d’un traité dûment ratifié. ↵
- Circular 175 Procedure, codifiée dans le volume 11 du State Department’s Foreign Affairs Manual (11 FAM 720). ↵
- 1 U.S.C. 112b. ↵
- Pub. L. 93–618, 88 Stat. 1978, codifiée 19 U.S.C. ch. 12. ↵
- La question de savoir à quelle catégorie appartient le texte relève de l’appréciation de l’exécutif (sous le contrôle des tribunaux), qui se fonde sur plusieurs critères dégagés par la jurisprudence de la Cour suprême. L’état du droit dans ce domaine est codifié aux paragraphes 111 à 115 du Restatement (Third) of Foreign Relations Law of the United States. ↵
- Berne Convention Implementation Act of 1988, Pub. L. 100-568, 102 Stat. 2853 ↵
- Public Law 103-465, 108 Stat. 4809 (1994). ↵
- Digital Millennium Copyright Act, Pub. L. 105–304, 112 Stat. 2860 (1998), et plus précisément au travers du WIPO Copyright Treaties Implementation Act, qui en fait partie ↵
- Patent Law Treaties Implementation Act, Pub. L. 112-211, 126 Stat. 1527 (2012). ↵
- Section 51(xviii). ↵
- Par interprétation des dispositions de la s. 51(xxix) donnant compétence au parlement fédéral pour légiférer dans le domaine des relations extérieures (external affairs). V. J. McKeough et A. Stewart, Intellectual Property in Australia, 2nd. ed., Butterworth 1997, para. 1.5. ↵
- Parker v The Queen [1963] HCA 14. ↵
- Articles 91(22) et 91(23). ↵
- Article 91(2). ↵
- A.G. Ont. V. A.G. Can. (Canada Standard Trade Mark) [1937] AC 405 (Privy Council); Macdonald v.Vapor Canada Ltd. [1977] 2 S.C.R. 134 (Cour suprême du Canada). La présence de dispositions de concurrence déloyale dans la loi fédérale a néanmoins posé des questions de constitutionnalité. ↵
- Son pouvoir dans ce domaine semblant résulter, soit d’une interprétation large de la notion de « droit d’auteur », soit d’une application de la clause de commerce. La constitutionnalité des lois dans ce domaine ne semble pas avoir été contestée. ↵
- Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), signé à Santiago le 8 mars 2018. ↵
- PTPGP, art. 1. V. texte du PTP consolidé. ↵
- PTPGP, art. 2. Les dispositions suspendues sont précisées en Annexe à l'accord (point 7 pour les dispositions de propriété intellectuelle). ↵
- PTP, art. 18.2 à 18.5 et 18.6.1. ↵
- PTP, art. 18.7. ↵
- PTP, art. 18.6.2. ↵
- PTP, art. 18.8.2. ↵
- Notamment en exigeant qu'un ressortissant d'une autre partie indique une adresse pour la signification des actes de procédure sur son territoire, ou désigne un représentant sur son territoire, art. 18.2.3. ↵
- PTP, art. 18.2.3. ↵
- PTP, art. 18.11. ↵
- PTP, art. 18.16. ↵
- PTP, art. 18.68. ↵
- PTP, art. 18.68 et 18.69. ↵
- PTP, art. 18.79. ↵
- PTP, art. 18.58 : reconnu aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, et couvrant la reproduction sous forme électronique. ↵
- PTP, art. 18.59 : reconnus aux auteurs, et comprenant le droit de mise à disposition. ↵
- PTP, art. 18.60 : reconnu aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, étant rappelé que l'accord ne traite pas de la question de l'épuisement des droits. ↵
- Comme suit : « 2. Chacune des Parties confère aux artistes-interprètes ou exécutants le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire : a) la radiodiffusion et la communication au public de leurs interprétations non fixées, sauf lorsque l'interprétation est déjà une interprétation radiodiffusée ; b) la fixation de leurs interprétations non fixées. 3. a) Chacune des Parties confère aux artistes-interprètes ou exécutants et aux producteurs de phonogrammes le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la radiodiffusion ou toute communication au public de leurs interprétations ou de leurs phonogrammes, par fil ou sans fil, ainsi que la mise à la disposition du public de ces interprétations et phonogrammes de manière à ce que les membres du public puissent y avoir accès depuis l'endroit et au moment qu'ils choisissent individuellement. b) Nonobstant le sous-paragraphe a) et l'article 18.65 (limites et exceptions), l'application du droit auquel le sous-paragraphe a) se réfère aux transmissions analogiques et aux émissions non interactives gratuites diffusées par ondes hertziennes, et les exceptions ou les limites à ce droit à l'égard de ces activités, est une question du ressort du droit de chacune des Parties ». ↵
- PTP, art 18.37, paragraphe 2 ("Subject to paragraphs 3 and 4 and consistent with paragraph 1, each Party confirms that patents are available for inventions claimed as at least one of the following: new uses of a known product, new methods of using a known product, or new processes of using a known product. A Party may limit those new processes to those that do not claim the use of the product as such") et dernière phrase du paragraphe 4 ("A Party may also exclude from patentability plants other than microorganisms. However, consistent with paragraph 1 and subject to paragraph 3, each Party confirms that patents are available at least for inventions that are derived from plants"). ↵
- PTP, art 18.46., mais l'article 18.48 sur l'ajustement pour les produits pharmaceutiques a été maintenu ↵
- PTP, art. 18.50. ↵
- PTP, art. 18.51. ↵
- PTP, art. 18.47. ↵
- PTP, art. 18.18 à 18.36 ↵
- PTP, art. 18.55 et 18.56. ↵
- PTP, art. 18.71 à 18.80: obligations générales, présomptions, procédures et remèdes civils et administratifs, mesures provisoires, retenues en douane, sanctions et procédures pénales... ↵
- Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), tel que modifié par le Protocole d'amendement du 10 décembre 2019. ↵
- ACEUM, art. 20.2 à 20.6. ↵
- ACEUM, art. 20.7. ↵
- ACEUM, art. 20.8.1. Des exceptions peuvent lui être apportées en ce qui concerne les procédures judiciaires et administratives, y compris en exigeant qu'un ressortissant d'une autre partie fasse élection de domicile ou constitue un mandataire sur son territoire (art 20.8.2.). Le droit au traitement national ne s'applique pas non plus aux procédures prévues par les accords multilatéraux conclus sous les auspices de l'OMPI concernant l'acquisition ou le maintien de droits de propriété intellectuelle (art. 20.8.3.) ↵
- ACEUM, art. 20.9. ↵
- ACEUM, art. 20.11. ↵
- ACEUM, art. 20-12 à 20-16. ↵
- L'article 20.63 impose en effet aux parties de prévoir les durées de protection minimums suivantes : en cas de calcul de la durée de la protection d'une œuvre, d'une interprétation ou d'un phonogramme sur la base de la vie d'une personne physique, 70 ans p.m.a; en cas de calcul sur une base autre que la vie d'une personne physique, selon le cas : (a) 75 ans à compter de la fin de l'année civile de la première publication autorisée de l'œuvre, de l'interprétation ou du phonogramme, et (b) à défaut d'une publication autorisée dans les 25 ans à compter de la création de l'œuvre, de l'interprétation ou du phonogramme, 70 ans à compter de la fin de l'année civile de la création de l'œuvre, de l'interprétation ou du phonogramme. ↵
- ACEUM, art. 20.58 : reconnu aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, et couvrant la reproduction sous forme électronique. ↵
- ACEUM, art. 20.59 : reconnus aux auteurs, et comprenant le droit de mise à disposition. ↵
- ACEUM, art. 20.60 : reconnu aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, étant rappelé que l'accord ne traite pas de la question de l'épuisement des droits. ↵
- ACEUM, art. 20.67 et 20.68 ↵
- ACEUM, art. 20.86. ↵
- ACEUM, ann. 20-A. ↵
- ACUEM, art. 19.17, qui dispose : « 1. Les Parties reconnaissent l'importance vitale de la promotion des services informatiques interactifs, y compris pour les petites et moyennes entreprises, pour la croissance du commerce numérique. 2. À cette fin, sous réserve du paragraphe 4, aucune des Parties n'adopte ou ne maintient des mesures qui traitent un fournisseur ou un utilisateur d'un service informatique interactif comme un fournisseur de contenu informatif pour déterminer la responsabilité en cas de préjudices liés aux renseignements stockés, traités, transmis, distribués ou mis à disposition par le service, sauf dans la mesure où le fournisseur ou l'utilisateur a, en tout ou partie, créé ou développé ce contenu. 3. Aucune Partie n'impose la responsabilité à un fournisseur ou à un utilisateur d'un service informatique interactif à l'égard, selon le cas : a) de toute mesure prise volontairement et de bonne foi par le fournisseur ou l'utilisateur pour restreindre l'accès au contenu qui est rendu accessible ou disponible au moyen de la fourniture ou de l'utilisation de ses services informatiques interactifs et que le fournisseur ou l'utilisateur considère comme nuisible ou inadmissible ; b) de toute mesure prise pour permettre ou rendre disponible les moyens techniques permettant à un fournisseur de contenu informatif ou à d'autres personnes de restreindre l'accès au contenu qu'il juge nuisible ou inadmissible. 4. Aucune disposition du présent article : a) ne s'applique à toute mesure d'une Partie ayant trait à la propriété intellectuelle, y compris les mesures portant sur la responsabilité pour atteinte à la propriété intellectuelle ; b) ne peut être interprétée comme élargissant ou limitant la capacité d'une Partie de protéger ou de faire respecter un droit de propriété intellectuelle ; c) ne peut être interprétée de manière à empêcher : i) une Partie d'appliquer une loi pénale, ii) un fournisseur ou un utilisateur d'un service informatique interactif de se conformer à une ordonnance spécifique et légitime d'un organisme d'application de la loi ». Des adaptations et délais de transposition pour cet article sont prévus pour le Mexique (Ann. 19-A). ↵