Copyright
67._ Première vue : le concept de copyright_ Le terme copyright ne signifie pas « droit de copie » ou « droit de reproduction ». Le copyright est à l’origine le « droit sur la copie » (right to the copy), au sens de « manuscrit » ou d’« œuvre », issu du dépôt au register of copies de la Stationer’s company[1]. Le droit sera défini par la loi d’Anne comme le droit d’ imprimer et de réimprimer des livres. Le champ du monopole restera longtemps limité à la reproduction et à la vente d’exemplaires. Ce fut le cas au Royaume-Uni sous l’empire du Copyright Act 1842. Le droit de représentation, institué au seul bénéfice des auteurs d’œuvres dramatiques en 1833, était qualifié de play right (droit de jouer ou représenter), et constituait un droit distinct du copyright. Il faudra attendre la loi de copyright de 1911 pour que le copyright et le performing right (successeur du play right, étendu aux œuvres musicales) soient intégrés dans un concept élargi de copyright. Cette hésitation terminologique traduit également une difficulté plus profonde à saisir les contours de la protection. Ainsi, au Royaume-Uni et dans de nombreux systèmes de copyright, la subsistance de régimes de protection très différents au sein du copyright et la liste limitative des catégories d’œuvres protégées rendent difficile toute approche synthétique de la protection. Dans ces pays le copyright ne protège pas toutes les œuvres de l’esprit, et ne protège pas que les œuvres originales. Les définitions proposées sont donc très diverses, et dépendent de la structure de la protection. Ainsi, au Royaume-Uni, aux termes du CDPA 1988, le copyright est défini comme :
« un droit de propriété qui subsiste, conformément au présent titre [du CDPA 1988], dans les catégories suivantes d’œuvres :
a) les œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques originales,
b) les phonogrammes, vidéogrammes (films) ou radiodiffusions (broadcasts), et
c) les arrangements typographiques d’éditions publiées. »[2]
La définition de la loi canadienne est très proche[3]. Le Copyright Act australien de 1968 donne quant à lui deux définitions, la première, du copyright portant sur les œuvres originales, et la seconde, du copyright portant sur les autres objets protégés[4]. À chaque fois, le copyright est défini comme le droit exclusif, en relation avec telle ou telle œuvre ou tel ou tel objet, d’accomplir tel ou tel acte d’exploitation.
Le copyright apparaît donc comme l’ensemble des droits exclusifs de nature économique conférés par la loi de copyright sur certaines catégories d’œuvres ou de créations. Il comprend les droits qualifiés de droits voisins dans les systèmes de droit d’auteur (à l’exception notable des droits des artistes interprètes), mais pas les droits moraux, même lorsqu’ils sont institués par la loi de copyright[5].
En revanche, la définition donnée par le Copyright Act américain est plus synthétique, et rappelle les définitions des lois de droit d’auteur. Le paragraphe 102 du Copyright Act dispose ainsi :
« La protection par copyright porte, conformément aux dispositions du présent titre, sur les œuvres de l’esprit originales (original works of authorship) fixées sous une forme tangible d’expression, déjà connue ou créée ultérieurement, et qui permet de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer de toute autre manière, soit directement, soit à l’aide d’une machine ou d’un dispositif. »[6]
Cette proximité s’explique par le choix d’une liste ouverte d’œuvres protégées et par une plus grande homogénéité de la protection (notamment l’exigence d’originalité).
68._ Les modèles de copyright_ Il existe deux modèles principaux de copyright : celui du Royaume-Uni, d’une part, et celui des États-Unis d’Amérique, d’autre part.
En matière de copyright, le Royaume-Uni, du fait notamment de son adhésion ancienne à la Convention de Berne, a abandonné assez tôt de nombreuses solutions héritées de la loi d’Anne et des lois qui l’ont suivie : suppression du common law copyright, des formalités, durée de protection de droit commun calculée à partir de la création pour la vie de l’auteur, etc. Le copyright britannique a également rapidement adopté des solutions originales : premier « droit voisin » en 1911 avec un copyright sur les phonogrammes (sans condition d’originalité), protection des radiodiffusions en 1956, etc. Ce modèle de copyright, que l’on peut qualifier de « moderne », sera très largement diffusé (directement appliqué, étendu ou adopté) dans l’Empire colonial britannique, et demeure toujours un modèle dans la plupart des pays du Commonwealth. Il a cependant subi l’influence du droit européen sur de nombreux points. Ce qui a entraîné un certain décalage de solutions avec des systèmes qui s’inspirent traditionnellement de la loi anglaise, comme le droit australien par exemple[7]. En outre, parmi ces derniers, certains ont retenu les solutions des lois anglaises précédentes (Copyright Acts de 1911 et 1956). D’autres ont développé des solutions originales, sous l’influence de leurs voisins ou d’un contexte constitutionnel différent. C’est le cas par exemple du Canada[8]. Les similitudes restent cependant plus nombreuses que les différences. En outre, ces législations partagent les mêmes concepts et la même approche de la protection.
Par contraste, le copyright des États-Unis d’Amérique présente des caractéristiques qui en font en modèle à part. En effet, la loi fédérale a longtemps retenu et développé, souvent sous une forme originale, des solutions anciennes adoptées par les premières lois de copyright, par ailleurs incompatibles avec les dispositions de la Convention de Berne. Si certaines de ces solutions ont été abandonnées à partir de 1978 (date de l’entrée en vigueur du Copyright Act de 1976), d’autres survivent, sous une forme modernisée. Parmi ces solutions, on citera :
- L’exigence d’un dépôt de l’œuvre (dont la portée a évolué)[9].
- La survivance, sous l’empire de la loi de copyright de 1909, d’une protection du copyright par common law[10].
- La survivance, sous l’empire de la loi de 1909, d’une double durée de protection calculée à partir de la publication[11].
- L’exigence de copyright notice (désormais vidée de son sens, mais aux conséquences radicales sous l’empire de la loi de 1909)[12].
- L’absence (sous réserve d’une protection limitée applicable à certaines œuvres d’art plastique) d’une protection des droits moraux[13].
- L’absence ou la limitation de certains droits (droits à rémunération, droit de suite, licences obligatoires…)[14].
- La survivance, l’adaptation ou le développement sous une forme originale de certaines règles de copyright (works made for hire, fair use, termination ou reversionary rights par exemple)[15].
Le maintien de ces solutions s’explique par les difficultés à mettre en œuvre une réforme du copyright dans le contexte fédéral, par une méfiance envers toute extension des monopoles et, d’un point de vue historique, par un certain isolement international des États-Unis dans ce domaine. La législation fédérale a cependant évolué sur de nombreux points au cours de ces vingt-cinq dernières années[16].
Précisions enfin que la jurisprudence des tribunaux américains, particulièrement riche, accessible et au fait des évolutions technologiques les plus récentes (par exemple en matière d’IA générative), est suivie avec intérêt dans l’ensemble des systèmes de copyright (et au-delà).
69._ Plan_ Après une introduction historique (Chapitre 6), nous aborderons le droit positif au Royaume-Uni (Chapitre 7), puis le droit du copyright aux États-Unis (Chapitre 8), avant de dresser un panorama rapide d’autres systèmes de copyright (Chapitre 9).
- V. infra n° 73. I. Gadd, « The Stationers’ Company in England before 1710 », in Research Handbook on the History of Copyright Law, I. Alexander et H. Thomas Gomez-Arostegui (eds), Edward Elgar 2016, p. 81. ↵
- CDPA 1988, s. 1. ↵
- Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. (1985), ch. C-42), art. 2 : « droit d’auteur s’entend du droit visé : a) dans le cas d’une œuvre, à l’article 3 ; b) dans le cas d’une prestation, aux articles 15 et 26 ; c) dans le cas d’un enregistrement sonore, à l’article 18 ; d) dans le cas d’un signal de communication, à l’article 21. (copyright) » ↵
- Copyright Act 1968, s. 31(1), s. 85. ↵
- V. supra n° 15. ↵
- « Copyright protection subsists, in accordance with this title, in original works of authorship fixed in any tangible medium of expression, now known or later developed, from which they can be perceived, reproduced, or otherwise communicated, either directly or with the aid of a machine or device. » 17 U.S.C. § 102. ↵
- V. Tome 2, et 1re éd. 2017, n° 367. ↵
- V. Tome 2, et 1re éd. 2017, n° 368. ↵
- V. infra n° 74 (loi de 1909) et 195 (loi actuelle). ↵
- V. infra n° 88. ↵
- Ibid. ↵
- V. infra n° 88 (loi de 1909) et 194 (loi actuelle). ↵
- V. infra n° 233. ↵
- V. infra n° 232, 250. ↵
- V. infra n° 216 (works made for hire), n° 239 (fair use) et n° 256 (pour le termination right). ↵
- V. infra n° 90. ↵