5 La protection par droit spécifique
433._ Présentation générale_ La protection des variétés végétales est assurée dans des conditions assez similaires dans la plupart des pays visés dans cet ouvrage (à l’exception de l’Inde, qui n’est pas encore membre de l’UPOV), du fait de leur adhésion à l’acte de 1991 de la Convention UPOV[1] et de la transposition de ses dispositions. L’harmonisation issue de l’acte de 1991 est en effet plus complète et contraignante que celle issue de la révision de 1978. La Convention définit de manière précise le contenu et la portée de la protection, et laisse aux Etats signataires une marge de liberté assez réduite dans la transposition de ses dispositions. Ces derniers conservent principalement la possibilité d’étendre les droits exclusifs et la durée de protection au-delà du minimum conventionnel[2], d’introduire le privilège du fermier prévu par la convention[3] et d’instituer des licences obligatoires pour des motifs d’intérêt public[4] (ces deux dernières options étant généralement exercées). En conséquence, sous réserve de dispositions transitoires et de règles procédurales et administratives, les législations des principaux pays dits développés dans ce domaine sont désormais très proches. Nous prendrons ici l’exemple du Royaume-Uni et des États-Unis.
434._ Au Royaume-Uni : le Plant Varieties Act 1997_ Au Royaume-Uni les droits sur les obtentions végétales (plant breeders’ rights) ont été institués par le Plant Varieties and Seeds Act 1964[5]. Ce texte transposait à l’origine le régime prévu par la convention UPOV de 1961, que le Royaume-Uni a été parmi les premiers pays à ratifier. Le régime actuel est issu du Plant Varieties Act 1997, qui met en œuvre les révisions de la Convention UPOV de 1991[6]. La loi est d’ailleurs très courte, et suit d’assez près le texte de la Convention. Elle est également proche du Règlement communautaire. Le processus de dévolution[7] a transféré certaines responsabilités dévolues par la loi aux ministres ou assemblées d’Ecosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord[8].
Le régime de protection mis en place permet la protection de toutes les variétés végétales[9]. Sous l’empire du Plant Varieties and Seeds Act 1964, la protection était donnée seulement lorsqu’un schéma était établi par le gouvernement pour le genre ou l’espèce de la variété pour laquelle la protection était demandée[10]. Cette exigence est désormais supprimée.
La définition de la variété végétale[11] correspond à celle de la Convention UPOV et de la protection communautaire[12]. La variété est ainsi définie comme : « un ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu’il réponde ou non pleinement aux conditions pour l’octroi d’un droit d’obtenteur, peut être (a) défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes, (b) distingué de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères et (c) considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme ».
Le certificat est délivré par le Plant Variety Rights Office et non pas par le Patent Office. L’obtenteur (breeder) est défini de la même façon que dans la Convention, comme « la personne qui a créé une variété, ou qui l’a découverte et mise au point, ou son ayant droit ou ayant cause »[13] ou, si cette personne est employée, et sous réserve de clause contraire, l’employeur ou son ayant droit ou ayant cause[14]. Le texte anglais va au-delà de la Convention UPOV en ce qu’il applique un traitement national sans restriction, et accepte les demandes de ressortissant d’États non contractants de l’UPOV[15]. Les règles de priorité de l’article 11 de la Convention sont transposées aux articles 6 et 7 de la loi.
Les critères de validité (distinctivité, homogénéité (uniformity), stabilité et nouveauté – avec le délai de grâce d’un an) sont définis par la section 4 et l’Annexe 2 de la loi, conformément aux dispositions de la Convention UPOV[16].
Les droits exclusifs de l’obtenteur portent la production ou la reproduction, le conditionnement aux fins de la reproduction ou de la multiplication, l’offre à la vente, la vente ou toute autre forme de commercialisation, l’exportation, l’importation, et la détention à ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée[17]. Le Ministre peut également étendre ces droits par voie réglementaire aux produits de récolte de la variété protégée[18], conformément à l’option offerte par l’article 14(3) de la Convention UPOV. La protection s’étend également aux variétés essentiellement dérivées dans les conditions prévues par la Convention UPOV[19].
Les exceptions couvrent les actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales, les actes accomplis à titre expérimental, les actes accomplis aux fins de la création de nouvelles variétés (sauf essentiellement dérivées)[20], ainsi que le privilège de l’agriculteur proposé par la Convention. Le privilège, identique dans sa portée et son régime au privilège issu du Règlement communautaire, permet aux agriculteurs d’utiliser à des fins de reproduction ou de multiplication, sur leur propre exploitation, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture, sur leur propre exploitation, de la variété protégée ou d’une variété essentiellement dérivée[21]. Cette exception s’applique uniquement aux variétés d’une espèce ou d’un groupe visé par un règlement du Ministre[22]. Une rémunération est due, sauf pour les petites exploitations, définies par référence au Règlement communautaire.
Un principe d’épuisement conforme à l’article 16 de la convention UPOV est également appliqué[23]. Des licences obligatoires peuvent être accordées en cas de refus de licence ou de conditions déraisonnables proposées par le titulaire des droits, s’il est nécessaire de mettre à disposition du public la variété à des prix raisonnables, ou en quantité et dans une qualité suffisantes[24]. Enfin, les droits sont conférés pour vingt-cinq ans à partir de la délivrance du certificat. Cette durée est étendue à trente ans pour les arbres, les vignes et les pommes de terre[25]. Le Ministre peut également étendre la période pour une espèce ou un groupe d’une durée supplémentaire de cinq ans maximum[26]. Les décisions de l’Office peuvent faire l’objet d’un appel devant le Plant Varieties and Seeds Tribunal, institué en 1964 et maintenu par la nouvelle législation.
435._ Aux États-Unis : le Plant Varieties Protection Act 1970_ Les États-Unis ont ratifié l’acte de 1991 de la Convention UPOV[27]. La protection est inscrite dans le Plant Variety Protection Act de 1970, tel que modifé[28]. Les certificats d’obtention végétale (plant variety protection certificates) sont délivrés par le Plant Variety Protection Office institué au sein du Department of Agriculture.
La définition de la variété végétale correspond à celle de la Convention UPOV[29], de même que la définition de l’obtenteur[30], les critères de protection[31], les droits exclusifs[32] et les exceptions. Le privilège de l’agriculteur est prévu, dans des termes conformes à la Convention[33]. La loi institue également un mécanisme de licences obligatoires[34]. Les droits sont conférés pour une période de vingt-cinq ans à compter de l’émission du certificat pour les variétés d’arbres et de vignes, et de vingt ans pour toutes les autres variétés végétales[35].
La durée moyenne de délivrance du certificat est de 17 mois.
Un total de 430 demandes de certificats PVP ont été déposées en 2022 aux États-Unis, dont 113 par des non-résidents[36]. 435 certificats ont été délivrés, portant le total de certificats à 8.500 environ[37]. Ces chiffres sont à comparer à ceux concernant les brevets des plantes (plant patents), qui comptent environ un millier de dépôts par an[38]. La protection par certificat présente en effet certains désavantages par rapport à celle offerte par les brevets, liés à l’exigence d’un dépôt de semences viables et à des redevances de dépôt et d’examen plus importantes (environ 5000 dollars, soit en gros le double des redevances en matière de plant patents). Par ailleurs, la protection est soumise à un privilège de l’agriculteur[39], absent en matière de plant patent.
- Convention Internationale pour la protection des obtentions végétales (1961, révisée en 19772, 1978 et 1991). A noter que le Canada est devenu membre de l’UPOV en 1991, mais que les dispositions de la Convention n’ont été transposées qu’en 2015. ↵
- Articles 14(3) et 14(4) pour les droits exclusifs. ↵
- Article 15(2). Le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Australie et le Canada ayant choisi de la faire. ↵
- Article 17. ↵
- Plant Varieties and Seeds Act 1964, 1964 c. 14. ↵
- Plant Varieties Act 1997, 1997 c. 66. ↵
- V. Tome 1, n°28. ↵
- V. Guide to the Plant Varieties Act 1997, FERA, 2010 (www.gov.uk), p. i-iii. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 1(2). ↵
- La liste des variétés couvertes étaient cependant très large. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 1(3). ↵
- Articles 1(vi), 2 et 3 de la Convention; Articles 1 et 5 du Règlement. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 4(4). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s.4(5). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s.4. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s.4(2), Sch. 2. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 6(1). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 6(1)(h). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 7. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 8. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 9(1). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 9(2). ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 10. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 17. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 11. ↵
- Plant Varieties Act 1997, s. 11(2). ↵
- V. Tome 1, annexe 1. ↵
- Pub. L. 91-577, Dec. 24, 1970, 84 Stat. 1542-1559; 7 U.S.C.§§ 2321 à 2583. ↵
- 7 U.S.C. § 2401(a)(9). ↵
- 7 U.S.C. § 2401(a)(2). ↵
- 7 U.S.C. § 2402(a). ↵
- 7 U.S.C. §§ 2483, 2541. ↵
- 7 U.S.C. § 2541(C). ↵
- 7 U.S.C. § 2404. « The Secretary may declare a protected variety open to use on a basis of equitable remuneration to the owner, not less than a reasonable royalty, when the Secretary determines that such declaration is necessary in order to insure an adequate supply of fiber, food, or feed in this country and that the owner is unwilling or unable to supply the public needs for the variety at a price which may reasonably be deemed fair. Such declaration may be, with or without limitation, with or without designation of what the remuneration is to be; and shall be subject to review as under section 2461 or 2462 of this title (any finding that the price is not reasonable being reviewable), and shall remain in effect not more than two years. In the event litigation is required to collect such remuneration, a higher rate may be allowed by the court » ↵
- 7 U.S.C. § 2483(b). ↵
- Source : statistiques sur la protection des obtentions végétales pour la période 2018-2022, UPOV. ↵
- Ibid. ↵
- Ibid. ↵
- 7 U.S.C. § 2543: "Except to the extent that such action may constitute an infringement under subsections (3) and (4) of section 2541 [1] of this title, it shall not infringe any right hereunder for a person to save seed produced by the person from seed obtained, or descended from seed obtained, by authority of the owner of the variety for seeding purposes and use such saved seed in the production of a crop for use on the farm of the person, or for sale as provided in this section. A bona fide sale for other than reproductive purposes, made in channels usual for such other purposes, of seed produced on a farm either from seed obtained by authority of the owner for seeding purposes or from seed produced by descent on such farm from seed obtained by authority of the owner for seeding purposes shall not constitute an infringement. A purchaser who diverts seed from such channels to seeding purposes shall be deemed to have notice under section 2567 of this title that the actions of the purchaser constitute an infringement". ↵